Moqué par les uns, adulé par les autres, c’est un personnage incontournable du cyclisme français des années 60 à 80 dont nous allons évoquer ici la mémoire. Coureur cycliste puis directeur sportif celui que l’on surnommait le vicomte a marqué son époque par des méthodes de travail particulières et une réussite exceptionnelle. Le cyclisme mondial lui doit la découverte de quelques uns des plus grands talents de cette période et pourtant le parcours de Jean de Gribaldi n’est pas reconnu à sa juste valeur aujourd’hui. Puisse cet hommage contribuer à faire mieux connaître un homme qui a beaucoup apporté au cyclisme.
Jean de Gribaldy est né à Besançon, le 18 juillet 1922. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Jean de Gribaldy était réellement Vicomte en titre. Il ne s’agissait pas d’un simple surnom comme le milieu cycliste de l’époque aimait à distribuer à tous ces membres.
Vicomte en titre, Jean de Gribaldi descend d’une lignée de la noblesse piémontaise. Sa famille, les de Gribaldi, avec un « i » final comme les Grimaldi perchés sur un rocher beaucoup plus au sud, s’était établi en Savoie au XVIème siècle. La famille originaire de Chieri, (Quiers en Français), petite ville à une dizaine de kilomètres de Turin est issue de la maison des Broglia, d'où provient également la famille française des de Broglie. Fils de Madeleine Garnache-Barthod et de Francis de Gribaldi, fermier du Haut-Doubs (les Gras), Jean effectue ses études au collège de Morteau où il suit une formation technique en horlogerie.
Si l’on se réfère à ce que, plus tard, il raconta, c’est en 1931 que sa passion pour le cyclisme est née, lors du passage du Tour à Morteau. Antonin Magne, revêtu de la tunique jaune serait à l’origine de cette immense vocation.
"Ce truc là, si beau, si coloré, j'en ferai partie un jour. Je n'ai jamais rêvé de le gagner, ni même d'y jouer un rôle important. Je voulais simplement le disputer au moins une fois",
L'Est Républicain, juillet 1981 cité par www.jeandegribaldy.com.
Coureur de petit gabarit, 1m65, râblé, Jean se révèle très vite un excellent grimpeur et les routes du Doubs sont propices au développement de son talent. Il passe professionnel en 1945 au sein de l’équipe Peugeot-Dunlop aux cotés de Camille Danguillaume et de Maurice Demuer. Manquant probablement un peu de puissance dans les courses plates où il faut emmener d’importants braquets, Jean de Gribaldy ne devint jamais un des grands coureurs du peloton. Pourtant sa passion pour la petite reine, ainsi qu’une grande rigueur dans la préparation physique et diététique que l’expérience de terrain va lui permettre d’affiner au fils du temps, vont faire de lui un coureur respecté et connu de tous. Professionnel durant dix ans, Jean de Gribaldy participa au cours de sa carrière à la plupart des grandes courses du circuit international : Tour de France, Tour de Suisse, Flèche Wallonne, Liège Bastogne Liège, Milan-San Remo, Paris-Roubaix, Paris-Tours, Bordeaux-Paris… Homme de championnat, il ne réussit pourtant jamais à décrocher le maillot tricolore dont il rêvait. Il termina second du championnat de France sur route en 1947 et il a rentra à trois reprises dans les dix premiers du championnat de France de cyclo-cross. Au cours de sa carrière, il fût le coéquipier de quelques très grands noms du cyclisme de l’époque : Ferdi Kübler, Pierre Brambilla, Charly Gaul, Emile Idée ou encore Jean Robic.
Sous les couleurs de Peugeot en 1948
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Avec l’aimable autorisation de www.jeandegribaldy.com]
Dauphiné Libéré 1952 à l'arrivée de la 5ème étape à Avignon, derrière Nello Lauredi Jean dispute la seconde place au belge Marcel Demulder. Jean finira 3ème. source : www.jeandegribaldy.com
Dès 1947, alors qu’il n’a que 25 ans, Jean de Gribaldy songe à sa reconversion. Il a déjà compris qu’un coureur modeste comme lui, ne pourrait jamais amasser une fortune suffisante pour ne plus avoir à travailler quand l’heure de la retraite sportive sonnerait. Au contact des anciens du peloton dont certains quittaient la compétition dans un désarroi profond, sans argent ni métier en poche, il a senti très vite l’intérêt de prévoir l’après. Jean a le sens des affaires et tout en étant toujours coureur cycliste professionnel, il ouvre un premier commerce à Besançon.
"On peut ach'ter en toute confiance, chez un coureur du Tour de France" annonce fièrement une réclame comme l’on disait à l’époque, qui parait dans le journal le Comtois du 11 Septembre 1948. Jean de Gribaldy n’est pas d’origine italienne pour rien. Pour lui la famille est sacrée et il construit ses affaires en s’appuyant sur des liens familiaux très forts. Avec lui, travaillent son épouse Isabelle, sa belle sœur et ses beaux-frères et plus tard son fils et certains de ses neveux et nièces. Profitant de sa notoriété et de son statut d’ « ex-Tour de France », il ouvre un premier magasin de cycles, puis très vite un autre qui porte comme enseigne « Au Tour de France ». Plus tard, il ouvrira encore deux autres commerces : une concession Vespa et un commerce généraliste qui fait penser à un bazar où l’on trouve, déjà, de tout : bicyclettes, mobylettes, téléviseurs, meubles, électroménager. Selon l’article consacré à Jean de Gribaldy que l’on découvre sur le site de la ville de Besançon (http://www.macommune.info) il y aurait même eu un bar à l’intérieur de ce « grand magasin. »
C’est en 1954, que Jean de Gribaldy, victime d’une fracture de l’omoplate, mit un terme définitif à sa carrière.
Pendant dix ans, c’est l’homme d’affaires qui prend le pas sur le passionné de cyclisme qu’est demeuré Jean de Gribaldy. Mais la passion est toujours là, intacte. Jean a gardé des liens dans le milieu et il continue à suivre les courses amateurs et professionnels d’un œil averti. C’est apparemment son ami Jean Leulliot, organisateur de la Route de France qui, pour parodier le titre d’une chanson d’un autre véritable ami du Vicomte a « rallumé le feu ». En 1964, la Route de France se déroulant en Franche Comté, Jean Leulliot demande à son ami le Vicomte de monter une équipe de coureurs locaux pour participer à cette course à étapes qui s’adressait à ce qui est aujourd’hui la catégorie espoir. L’équipe s’appelera Grammont (marque de téléviseur) - De Gribaldy. Après un démarrage très modeste, l’équipe qui prendra le nom de Grammont, Motocomfort, De Gribaldy sera très fortement renforcée en 1965 avec l’arrivée de jeunes coureurs de talent comme Maurice Izier, futur vainqueur d’étape sur le Tour de France.
Dès le début de sa carrière de Directeur Sportif, Jean de Gribaldy impose sa griffe aux équipes qu’il compose. De Besançon où il résidait, il allait souvent voir des courses régionales amateurs et il n’hésitait pas à franchir régulièrement la frontière pour observer les coureurs helvétiques c’est ce qui explique que durant les premières années on retrouve dans la composition de ses équipes une proportion forte de coureurs de l’est de la France (Maurice Izier, Paul Gutty, Henry Guimbard, les frères Rigon, René Grelin…) ainsi que des Suisses et des Luxembourgeois. En 1967, on remarque dans les rangs de l’équipe Tigra – Grammont un certain Paul Köchli qui bien plus tard en tant que Directeur Sportif fera les beaux jours de l’équipe « La vie claire ». Jean de Gribaldy sait donner sa chance à des jeunes mais dès ses premières années en tant que Directeur Sportif, on le voit également tenter de remettre sur les rails des coureurs auxquels plus personne ne croît comme Jean Jourden.
Jusqu’en 1967, il dirige des équipes regroupant des coureurs professionnels, des indépendants et des amateurs hors catégorie. La dénomination des équipes varie au gré du pays dans lequel ont lieu les courses (France, Suisse, Allemagne). Ainsi en 1967, selon les lieux et les courses les coureurs de Jean de Gribaldy portèrent soit les couleurs de Tigra - Grammont - Enicar soit celles de Wolhauser-Café Ravis.
C’est en 1968, avec l’équipe Frimatic-Viva-De Gribaldy, qu’il dirige, associé à Louis Caput, sa première formation composée en majorité de professionnels. On peut considérer que c’est la 1ère année où l’équipe qu’il conduit, connaît des résultats marquants : étape du Tour (Maurice Izier retenu dans l’équipe de France pour un tour se disputant par équipe nationale), Quatre jours de Dunkerque et Grand Prix Ouest France (Jean Jourden), Championnat de Suisse sur route (Karl Brand), Championnat d'Allemagne sur route (Peter Glemser)…
Le site http://www.jeandegribaldy.com/ explique ainsi l’organisation du groupe sportif de Gribaldy et l’articulation entre les différentes équipes pour la saison 1968. « Jean fait entrer ses pros à l’Amicale Cycliste bisontine, en plus des 50 amateurs qui demeurent au club. Chez ces derniers, 25 porteront les couleurs de Frimatic et 25 celles des téléviseurs Grammont. En dehors de son groupe professionnel, Jean reste un fidèle développeur du cyclisme amateur, en étant à l’origine de deux équipes. D’abord Frimatic-de Gribaldy avec Huby. Grammont-Tigra ensuite qui alignera notamment Guimbard, Grelin, et l’ex pro Epaud. »
1969 sera l’année de la consécration. L’équipe Frimatic - Viva - de Gribaldy mise en place par le Vicomte a fière allure avec dans ses rangs Willy et Walter Planckaert, Jean Jourden et également les pistards Alain Van Lancker et Jacky Mourioux. Pourtant c’est un jeune portugais totalement inconnu en France que le Vicomte a découvert au Brésil, lors du Tour de Sao Polo 1968 qui va s’imposer comme le grand leader de l’équipe : Joaquim Agostinho. Agostinho, pour sa première saison professionnelle, s’adjuge 13 victoires dont le Trophée Baracchi et 2 étapes du Tour qu’il termine à la 5ème place. Jean de Gribaldy va tout connaître durant cette saison 1969, la joie avec les nombreux succès de ses coureurs mais aussi la douleur de perdre un de ses hommes : Joseph Mathy (vainqueur d’une étape des 4 jours de Dunkerque et du grand prix de Denain 1969) décédé d’un accident de la circulation alors qu’il venait tout juste d’avoir 25 ans.
La réputation de dénicheur de talent du Vicomte a probablement éclaté aux yeux du grand public avec l’entrée fracassante de Joaquim Agostinho dans le gotha des ténors du Tour de France. Pourtant la suite de la carrière de Jean de Gribaldy montrera que cette réputation était loin d’être usurpée. Son talent n’était pas seulement d’avoir du flair. Les choses n’étaient pas aussi simples. Le Vicomte allait très souvent assister à des courses sur route et à des cyclo cross amateurs. Il observait les coureurs leur façon de courir, leur façon de pédaler, leur comportement avant et après l’épreuve et il arrivait à trouver le talent là où d’autres n’avaient rien vu, rien détecté. La liste des champions à qui Jean mis le pied à l’étrier est impressionnante : Michel Laurent, Mariano Martinez, Eric Caritoux, Jean-Claude Leclercq, Pascal Richard, Steven Rooks, Jonathan Boyer, René Bittinger, Marcel Tinazzi, Jacques Michaud, Jean-Claude Bagot, Serge Beucherie, Joël Pelier… Je me souviens alors que j’usais mes cuissards dans les rangs amateurs au milieu des années 80, combien Jean de Gribaldi nous impressionnait. Trois directeurs sportifs attiraient notre attention. Cyril Guimard, Paul Köchli et Jean de Gribaldi. Guimard représentait la rationalité, il ne semblait laisser aucune part au hasard et ses plans d’entraînement étaient d’une grande rigueur. Paul Köchli apparaissait comme un novateur, un homme qui parlait de diététique et qui apportait un autre regard sur le cyclisme. Il y avait enfin Jean de Gribaldi, le faiseur de miracle. Il n’avait pas les budgets de Guimard ou de Köchli pourtant à la tête de ses équipes faîtes de bric et de broc, chaque année il réussissait à faire parler de lui en découvrant de nouveaux talents. Nous étions fascinés par ce personnage hors du commun, capable chaque année d’amener sur le devant de la scène de nouveaux coursiers.
Tour de France 1972 : Jean, Guillaume Driessens et Joaquim Agostinho portant le maillot de champion du Portugal.
Après Joachim Agosthino, Jean de Gribaldi allait faire signer un autre futur très très grand du cyclisme international : Sean Kelly. L’irlandais qui demeura durant de longues années le numéro un mondial, n’a jamais caché son admiration pour le Vicomte. Il a toujours affirmé qu’il lui devait beaucoup notamment en ce qui concerne l’entraînement et également la diététique, allant même jusqu’à dire qu’il avait, par ses méthodes, vingt ans d’avance.
La dernière grande réussite de Jean de Gribaldi fut sans nul doute Steven Rooks. Le coureur néerlandais laissé libre par Peter Post au début de 1983 est finalement embauché à la musette par le Vicomte. Une victoire au Mont Faron dans le Tour Méditerranéen, puis une troisième place au général de Paris Nice permettent à Rooks de signer un vrai contrat avec Jean de Gribaldi. Quelques jours plus tard il lui offre une magnifique victoire en inscrivant son nom au palmarès de la doyenne des classiques, Liège Bastogne Liège.
Comme nous l’avons déjà évoqué, le vélo a toujours occupé une place très importante dans la vie du Vicomte mais sa vie ne se réduisait pas à sa famille et au petit monde des courses cyclistes, bien au contraire. Jean de Gribaldi avait bien d’autres passions, c’était un homme hyperactif. Il avait, malgré ses multiples activités, trouvé le temps de passer son brevet de pilote d’avion et il aimait de temps en temps prendre les commandes. Il est difficile de dire si au fond de lui-même le Vicomte ne regrettait pas, de n’être pas devenu artiste en tout cas il réussit très vite à se faire connaître et apprécier du Tout Paris où il côtoya pendant de longues années de nombreuses stars dont il su devenir l’ami. C’est aussi là que ses talents d’orateur lui permirent régulièrement de dégotter de nouveaux sponsors. Dès 1959, il remarqua à Juan les Pins un jeune chanteur dont il devina le talent et dont il devint l’ami : Johnny Hallyday. A maintes reprises, c’est Jean de Gribaldi qui transporta Johnny et parfois Sylvie Vartan d’un concert à un autre dans son petit avion. Cette amitié entre les deux hommes dura jusqu’à la mort accidentelle de Jean de Gribaldi en 1987. La liste des amis du Vicomte dans le milieu du show bizz est impressionnante : Michel Sardou, Thierry Le Luron, Antoine Blondin, Jean-Paul Belmondo, Michel Audiard, Jean-Marie Rivière, André Pousse, Jean Carmet, José Giovanni, René Fallet, Jean Rochefort, Louis Nucéra, Carlos, Marcel Amont, Lino Ventura, Jacques Brel.
"Un Vicomte comme pilote" Supplément de l'Est Républicain spécial Johnny - Dimanche 31 mai 2009
Personnage fascinant aux multiples facettes, Jean de Gribaldi était un meneur d’hommes, un travailleur infatigable, il avait un sens aigu de l’observation qui lui permettait de découvrir et de faire mûrir le talent de coureurs que personne avant lui n’avait remarqué. Un site de grande qualité est aujourd’hui consacré à Jean de Gribaldi (http://www.jeandegribaldy.com/), nous y avons puisé l’essentiel des informations et des photos nécessaires à ce modeste hommage. Nous espérons avoir tracé un portrait fidèle de cet homme qui a beaucoup fait pour le cyclisme sans finalement que le milieu cycliste le reconnaisse à sa juste valeur.
Puisse ce modeste coup de chapeau contribuer à donne au Vicomte la place qu’il mérite dans l’histoire du cyclisme.
"Le cyclisme, c'est comme la boxe ; ce n'est pas un jeu. C'est un sport dur, terrible, impitoyable qui exige de très gros sacrifices. On joue au football, au tennis, au hockey mais on ne joue pas au cyclisme, encore moins à la boxe". Jean de Gribaldi
Raphaël Geminiani - Septembre 1987 "En 1945, alors que nous étions jeunes coureurs, j’avais dans les courses régionales fait connaissance du bisontin Jean de Gribaldy. Dans le Tour de France 1947, Jean courait sous le maillot Nord-Est, j’étais sous les couleurs Sud-Ouest-Centre. Depuis cette époque, nos routes ont été parallèles, et une saine, sincère, et longue amitié nous unissait.
Aussi depuis sa disparition, je ne cesse d’être triste et songeur en pensant que durant ces 40 années -un temps énorme- il lui a fallu toujours se battre sans convaincre, entreprendre sans succès, lutter sans gagner, pour ce sport cycliste qu’il connaissait et aimait mieux que tout le monde. Il l’adorait aussi, comme peu peuvent le prétendre aujourd’hui.
Ces dernières années avaient été bien meilleures, et çà et là enfin, mais trop rarement ou chichement à mon goût, on lui reconnaissait des réelles compétences et qualités. Alors que l’on ne manquait pas d’"abreuver" d’éloges certains dans ce même métier beaucoup plus jeunes, qui n’avaient encore que peu entrepris, et surtout très peu réussis. C’était cette furieuse injustice qu’il ne manquait pas, avec justes raisons, d’invoquer parfois.
Je reste songeur de constater et de voir ces nombreux témoignages tardifs lui revenant, surtout de la part de ceux qui ne le ménagèrent guère durant son long parcours. Même si j’en suis ravi, je ne peux que constater que c’est trop peu, et trop tard, car Jean de Gribaldy aurait mieux aimé de son vivant sentir dans le milieu cycliste un peu plus d’amitié, de justice, et surtout de la reconnaissance.
Demeure la joie de constater que dorénavant, son exemple, son travail, son souvenir ne sont pas prêts d’être oubliés. Avec ce sourire qui n’appartenait qu’à lui, je suis sûr que Jean savoure enfin cette grande victoire".
Marcel Amont - 13 Octobre 2006 - Est Républicain "Quand je pense à Besançon, je pense à un homme, Jean de Gribaldy. Je fréquentais pas mal le monde du cyclisme à l'époque. On est devenu copain. Ce que j'appréciais, c'était la clairvoyance de l'homme. Il était très intelligent.
Après son dernier Tour de France, il est devenu le héros régional. Assez pour ouvrir son magasin de cycles, place de la Révolution, où tout le monde venait le voir. Pour moi, Besançon, c'est lui".
"A la fin de ma vie, s’il ne me fallait conserver que le souvenir d’un seul endroit au monde, je n’hésiterais pas longtemps : je choisirais ce petit hôtel brésilien, insignifiant, discret, de Sao Paulo où j’avais donné rendez vous à Joaquim. C’était en 1968. Je l’avais remarqué deux mois plus tôt à Imola, au championnat du monde, mais c’est là que je lui ai parlé pour la première fois. Je lui ai demandé simplement : "Voudrais-tu venir courir en France" ? Il ne connaissait aucun mot de français, mais dans son sourire j’ai compris tout de suite ce qu’il voulait me répondre. Que de chemin parcouru ensemble depuis... Que de souvenirs nous rattachent l’un à l’autre. J’appréhende ce jour, très proche, où il dira adieu à cette bicyclette avec laquelle il a connu les joies les plus immenses et les peines les plus profondes. Car ce jour là, et il le sait bien, l’existence n’aura plus du tout pour moi la même signification. Alors pour atténuer ma peine, je fermerai les yeux et je recommencerai à zéro, avec Joaquim".
Jean de Gribaldy, 1980.
1944
Champion du Doubs
1er de Montereau-Paris
2ème de Paris-Ezy (amateur) 1945
1er Grand Prix de la Libération de la Haute Saône à Lure (
28ème de Paris-Roubaix
4ème Grand Prix de Provence
1946
1er Critérium du Ballon d’Alsace
1er Grand Prix de Besançon
1erGrand Prix Grison-Bathelier (Dijon)
1erChampion de Franche-Comté de Cyclo-cross
6ème Grand Prix de Nice
2ème A travers Lausanne
9ème de Paris-Nice
1947
2ème du championnat de France
4ème du Circuit du Ventoux
7ème A travers Lausanne
1948
1er Tour du Doubs
2ème de Paris Limoges
3ème A travers Lausanne
5ème 1ère étape Critérium du Dauphiné (vainqueur Lucien Teisseire)
2ème de la course de côte de Lausanne
1949
9ème du Championnat de Zurich
2ème dans Nice - Mont Agel
6ème Championnat de France cyclocross
16ème de Paris-Tours
14ème de Bordeaux-Paris
2ème A travers Lausanne
1950
9ème .de Milan-San Remo
6ème Mont Agel
9ème Championnat de France cyclocross
1951
11ème au Mont Faron
1952
3ème dans 5e étape Criterium du Dauphiné Libéré
10ème de Liège Bastogne Liège
9ème Grand Prix Midi Libre
21ème Critérium Dauphiné
6ème Tour du Lac Leman
1953
5ème Championnat de France cyclocross
10ème Grand Prix Midi Libre et de Paris-Clermont Ferrand
Par l’intermédiaire du webmaster du site http://www.jeandegribaldy.com/ nous avons pu entrer en contact avec Jacques Michaud. Il nous a parlé de sa collaboration avec Jean de Gribaldi, de l’homme et de sa conception du cyclisme.
Né le 11 juillet 1951 à Saint-Julien-en-Genevois, Jacques Michaud fut coureur professionnel de 1979 à 1984. Il a débuté sa carrière professionnelle sous l'égide de Jean de Gribaldy, qui visiblement lui a beaucoup apporté. En tant que coureur, Jacques Michaud a remporté l’Etoile de Bessèges, une étape du Dauphiné Libéré et il a connu son heure de gloire en s’imposant dans l’étape Morzine-Avoriaz du Tour 1983. Il a été directeur sportif au sein de la formation RMO où il a dirigé Richard Virenque et Pascal Lino, puis il a œuvré pour le PMU Romand, Post Swiss Team et jusqu’en 2006 pour l’équipe Phonak. Selon Cyclismag du 1er février 2010, Jacques Michaud sera cette saison directeur de la formation Continental Pro BMC.
L.p.b. - Comment avez vous rencontré Jean de Gribaldi ?
J.M. Cela remonte a l'année 1974, Jean De Gribaldy avait mis en place une sélection de 6 coureurs pour disputer la Route de France (épreuve de détection pour passer professionnel ) je faisais partie de cette sélection.
(La Route de France épreuve disparue aujourd’hui était réservée aux coureurs amateursde moins de 24 ans ce qui correspond aujourd’hui à la catégorie espoir. Des coureurs comme Lucien Aimar, Régis Ovion, Michel Laurent, Bernard Vallet ou Robert Millar s’y sont imposés. La rédaction)
L.p.b.
- En quoi Jean de Gribaldi était il différent des autres directeurs sportifs ? Faire partie de l’équipe à Jean de Gribaldi devait changer beaucoup de choses ?
J.M. Il avait une approche très différente du cyclisme professionnel. N'ayant jamais eu de gros budget pour fonctionner, il était contre tout ce qui était superficiel et n'apportait rien de plus aux coureurs.
L.p.b. Que vous a t-il apporté dans votre façon de courir et de vous entraîner ?
J.M. "Degri", sur la façon de courir, avait un principe de base : rester avec les meilleurs le plus longtemps possible sans faire d'efforts inutiles (se protéger, rouler à l’économie) et pour les entraînements, il avait un principe qui marchait bien : effectuer deux entraînements par jour. Il s’agissait de faire deux heures le matin et deux heures l’après midi. Entre les deux entraînements, le coureur devait se reposer et manger très peu. Après le deuxième entraînement, il conseillait du repos et un petit souper léger puis au lit. Une vie monacale en quelque sorte…
L.p.b. - Quel est votre meilleur souvenir de votre parcours avec Jean De Gribaldi ?
J.M. Avec lui, j'ai gagné ma première course professionnelle " l'Etoile de Bessèges" au nez et a la barbe des grosses équipes du moment (celles qui avaient de gros budgets ). Degri adorait cela.
L.p.b. - Trouverait il sa place dans le cyclisme du 21ème siècle. Ce cyclisme, des oreillettes, des équipes Pro Tour avec leurs bus pullman, ce cyclisme qui exclu les petites équipes et qui s’organise autour d’un Tour de France surmédiatisé ?
J.M. Juste avant de se tuer en voiture, Degri avait une grosse équipe, l’équipe KAS avec un leader Kelly......! Degri avait commencé à changer, mais il conservait toujours ses idées de départ : économies en permanence et toujours éviter les superflus, l’inutile. Il aurait trouvé sa place dans le cyclisme moderne mais toujours en marge des systèmes en place !
Nous remercions chaleureusement Jacques Michaud pour sa collaboration qui apporte un éclairage intéressant sur un homme fascinant.
S’adapter à un monde qui change sans cesse tout en restant fidèle à ses idées et à ses principes, voilà qui finalement résume fort bien l’homme qu’était Jean de Gribaldi.