Le Petit Braquet
 
Chronique n° 47 - Choppy Warburton
 
 

Choppy Warburton

 

Coup de chapeau à

 

Choppy WARBURTON

Depuis que cette rubrique existe nous nous sommes toujours attachés à vous présenter des personnages, hommes ou femmes qui, en lien avec la bicyclette, ont tenté et réussi des actes remarquables au cours de leur vie. Pour la première fois nous allons basculer de l’autre côté du miroir en évoquant le parcours sulfureux d’un homme que l’on peut considérer comme le premier docteur Mabuse du cyclisme : Choppy Warburton.

Personnage haut en couleur, authentique champion, Choppy Warburton a le triste privilège d’être le premier entraîneur suspecté d’avoir causé la mort d’un de ses coureurs en lui administrant des produits dopants. Rien n’est aujourd’hui prouvé mais il existe des éléments troublants qui font de Choppy Warburton, un gourou capable du pire comme du meilleur.

 

 

Ci-contre : Le livre "Les Rois du Cycle" - par Victor Breyer et Robert Coquelle

(Rédacteurs au "Vélo"

COMMENT sont devenus CHAMPIONS

BOURRILLON - CORDANG - HURET - JACQUELIN - MORIN - PROTIN

Editeur : E.Brocherioux - 15, rue des Saints-Pères, 15 - PARIS

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Le dopage est né avec le sport et il en est en quelque sorte le fils spirituel. La volonté de se surpasser, le désir de battre son adversaire, ou pour résumer plus simplement ce que l’on appelle l’esprit de compétition a très vite conduit certains sportifs à chercher comment s’améliorer, comment être plus fort. Au bout il y avait la victoire, la reconnaissance, la gloire et puis l’argent.

A partir de la fin du XIXe, la permanence du désir d'améliorer les possibilités humaines à n'importe quel prix se pérennise mais plus on avance dans le temps et plus les recettes deviennent sophistiquées. C'est la grande époque des breuvages magiques et potions accélératrices venant en droite ligne des hippodromes où l'on retrouve, pêle-mêle, atropine, caféine, strychnine, cocaïne, arsenic... (Historique et évolution du dopage, Jean-Pierre de Mondenard)

Moins de quinze ans après qu’ait eu lieu la première course cycliste à Saint Cloud, on parle déjà de produits miracles utilisés par les coureurs. A l’époque, il n’y a pas de produits interdits, on se trouve dans un gigantesque bazar où chacun observe et espionne l’autre pour connaître sa recette miracle, son truc qui le rend plus fort. Cela est vrai pour l’alimentation, les produits sensés améliorés la performance mais aussi pour les techniques d’entraînements. Le sport cycliste en est encore à ses balbutiements et les coureurs expérimentent, ingurgitent allègrement des boissons et des victuailles dont les vertus stimulantes nous font sourire. Le champagne par exemple, fut un temps très prisé des cyclistes qui en appréciaient l’effet coup de fouet. Dès 1880, il existait des mélanges de stupéfiants, constitués à partir de morphine ou de cocaïne. Aux alentours de 1892, on commercialisait même des potions à base d'alcool destinées aux cyclistes, comme l'Elixir de vitesse ou encore le Vélo Guignolet. Les coureurs de renom travaillaient tous avec un entraîneur, sorte d’homme orchestre qui s’occupait de tout : cachet du coureur, programme des entraîneurs pour les courses de longue distance sur route comme sur piste, matériels, alimentation et enfin produits destinés à améliorer la performance.

James Edward Warburton est né en 1842, à Haslingden, petite ville située dans la vallée de Rossendale, comté du Lancashire à 30 kilomètres au nord de Manchester. James Edward que l’on ne surnomme pas encore Choppy, est l’aîné d’une famille de 12 enfants dont seulement six atteignirent l’âge adulte. Installé à Blackburn, James Edward rentre très vite dans la vie active pour aider sa famille et alors qu’il n’a que 17 ans, John Duckworth, son employeur à la Hutch Cotton Mill Bank remarque ses capacités physiques pour la course à pied. James Edward est doué, très doué même et entre 1866 et 1880 il remporte plus de 500 épreuves, dans tout le nord de l'Angleterre, sur des distances allant du mile au 20 miles. Malgré ces nombreux succès acquis tout en travaillant à plein temps en tant que magasinier ce n’est qu’en 1876 à 34 ans qu’il devint professionnel. En 1880, James Edward rendit visite à son frère George, aux Etats-Unis, où il empocha de nombreuses victoires. C’est à son retour en Europe qu’il mit un terme à sa carrière forte au total de plus de 700 succès.

Son surnom venait de son père qui apparemment travaillait sur un bateau et qui, lorsqu'on lui demandait quel temps avait accompagné sa dernière traversée, invariablement répondait: « choppy » (instable).

A la fin de sa carrière d’athlète, Choppy s’est intéressé à la bicyclette et très vite il est devenu entraîneur connu et reconnu en Angleterre et partout en Europe. Le manichéisme n’existe pas dans la réalité et Choppy ne fut pas que l’homme par qui le dopage arriva dans le cyclisme ce fut aussi un excellent entraîneur qui avait des méthodes très intéressantes pour son temps et qui furent copiées pendant de nombreuses années.  Voici comment près de vingt ans plus tard était décrite la méthode d’entrainement de Choppy :

De l'exercice, encore de l'exercice ! L'entraînement du coureur ne comporte pas que la pratique quotidienne de la bicyclette... Il faut acquérir, en même temps, de la force, de la résistance et surtout de la souplesse. Et l'on ne peut mieux faire ici que de donner l'emploi du temps que Choppy Warburton, le «roi des managers», avait dressé pour son fameux poulain Michaël. Le Petit-Prodige se levait à huit heures, hiver comme été, prenait un tub tiède et, vingt minutes durant, se faisait les muscles en manoeuvrant de petites haltères de trois livres. Ce premier exercice était suivi d'un massage général, de trente minutes. Dix minutes de repos, allongé sur un lit de camp un peu dur. A neuf heures, Michaël déjeunait, à l‘anglaise, d'oeufs, de viande grillée, de rôties sans beurre et de thé léger. Puis il prenait sa machine et en compagnie de son manager, faisait quarante kilomètres sur route, à bonne allure, régulière et soutenue… Après une toilette rapide, seconde séance de massage. Repos jusqu'à trois heures, heure à laquelle, à pied, le poulain » et son manager gagnaient le vélodrome. Là, derrière ses entraîneurs, Michaël couvrait vingt kilomètres à toute vitesse. Un massage léger suivait cet exercice, auquel succédait une petite marche pédestre ; à six heures, on dînait de viandes froides et de thé. A huit heures et demie courte promenade à pied, jeux et courses en plein air. On rentrait à neuf heures. Et vingt minutes durant on sautait à la corde, lentement d'abord, puis, de plus en plus vite. A dix heures et demie, on se couchait. Choppy Warburton prétendait que ce régime n'avait pas son pareil pour donner du muscle, du nerf et de la souplesse, et il faut bien croire qu’il disait vrai, puisque, grâce à lui, Michaël, Tom et Arthur Linton ainsi que champion, devinrent, en quelques mois, d'imbattables recordmen.

Autres méthodes, autres hommes... Mais c'est là un régime coûteux car il prend beaucoup de temps et que le coureur à ses débuts ne peut guère s'offrir, car un soigneur ne donne pas ses soins gratuitement. Enfin, en matière de sport comme ailleurs, il y a la mode. Pendant de longues années, la méthode de Choppy Warburton fut très en vogue, mais bientôt la gymnastique suédoise et la boxe prévalurent.

Extrait de l’Almanach pratique illustré du Petit Parisien de 1912 source : http://gallica.bnf.fr/

Entraîneur talentueux, Choppy qui travaille pour la marque de cycle Gladiator, a sous sa coupe des coureurs ayant un gros potentiel comme les frères Arthur et Tom Linton ainsi que Jimmy Michael. Pour l’aîné des frères Linton, Samuel je n’ai retrouvé aucune trace d’une éventuelle collaboration avec Choppy. Dès 1894, il est à Paris avec Arthur Linton. Celui-ci est déjà très connu dans son pays où il a remporté de nombreuses courses et enlevé de nombreux records de distance. Ils sont tous les deux engagés par la marque de cycle Gladiator. On retrouve leurs traces dans une course de folie qui se déroule au vélodrome d’hiver à Paris en mars 1894. Il s’agit d’une épreuve de huit jours à raison de 6 à 8 heures de compétition par jour. Cette course est dotée d’un plateau international car on note la présence d’Américains (Waller, Ashinger, Williams) d’un Danois (Meyer), d’Anglais (Lumsdsen et Arthur Linton) et des français Marius Allard, Garin, Rivierre et Huret pour ne citer que les plus connus. Choppy est à la manœuvre pour Arthur Linto, organisant les relais des entraîneurs du petit prodige gallois et se chargeant de toute l’intendance (nourriture, massage, entretien du matériel…). Dans ce type d’épreuves, les entraîneurs ne sont pas encore dotés d’engins motorisés et il s’agit le plus souvent de tandem ou de triplette. Après bien des péripéties, c’est Constant Huret qui l’emportera devant Arthur Linton.

 

Le 17 juin de la même année on retrouve à nouveau Huret et Linton opposé dans une course de six heures où ils furent éblouissants battant de nombreux records : 50 miles, 100 kilomètres et 100 miles. Arthur Linton remporta la course d’une longueur à près de 37 km/heure de moyenne.

 

A l’époque le journal le vélo déclara : « Pauvre Linton, il finira par ne plus descendre de machine. Tout le monde veut le battre ; lui toujours accommodant, accepte et se défend énergiquement, si énergiquement même qu’il arrive souvent le premier ».

Ces quelques lignes, hélas prémonitoires résument bien la situation. Arthur Linton est une vedette, il gagne pas mal d’argent en se produisant dans des courses de longues distances très éprouvantes. Comment un jeune homme de 22 ans, il est né en 1872, peut il supporter de telles charges de travail. L’appât du gain pour lui, mais aussi pour Choppy Warburton ont conduit celui-ci à tout mettre en oeuvre pour faire gagner son protégé.

Les cadences sont élevées, ainsi Huret et Linton s’affrontent le 17 août à Paris sur une course de six heures. Quatre jours plus tard on les retrouve à Milan sur la piste du Trotter qui faisait 600 mètres de long pour une épreuve de 100 miles. Ces deux épreuves sont enlevées de main de maître par le protégé de Choppy qui est toujours présent, ne lâchant jamais d’une semelle sa poule aux œufs d’or. L’argent et les engagements pris sont plus importants que tout le reste. Ainsi le 17 février 1895, Arthur Linton, qui a apprit le matin même le décès de sa mère, est présent au départ d’un 100 miles sur la piste des arts libéraux à Paris (vélodrome d’hiver). Pour Tom Linton et pour Jimmy Michael l’autre prodige gallois managé par Choppy qui arriva en France au printemps 1895, les cadences sont les mêmes. Durant cette période Choppy est partout. Il apparaît très souvent dans la presse y compris dans la presse généraliste, ainsi son nom apparaît à 24 reprises dans la rubrique des sports du « journal des débats politiques et littéraires » entre 1894 et 1897. Il semble être devenu en peu de temps, un des personnages incontournables du microcosme cycliste européen. Il est même immortaliser derrière Jimmy Michael dans une célèbre affiche pour les chaînes Simpson que réalisa Toulouse-Lautrec à cette époque.

C'est pendant la saison 1896 que la tragédie allait se nouer. Arthur Linton 4ème de Bordeaux Paris après être tombé à six reprises durant la course, est dans une forme éblouissante lorsqu’il se présente au départ de Bordeaux Paris. Dès le départ il fait rouler ses entraîneurs à fond se débarrassant très vite de ses adversaires. Seul le solide allemand Fischer, vainqueur de Paris Roubaix tient la cadence mais renversé par un chien il est contraint à l’abandon. Mais Linton a présumé des forces de ses entraîneurs et il se retrouvait seul. Rivierre pointé à plus d’un quart d’heure mais toujours bien calé derrière une triplette et un tandem fondait sur lui et le dépassait durant la nuit. A Orléans, Linton était à 20 minutes mais soudain, le gallois ressuscitait et il retrouvait une cadence époustouflante pour dépasser Rivierre avant la descente de Suresnes et ne plus être rejoint. Le public venu en masse au vélodrome de la Seine attendait Rivierre mais c’est Linton qui arrive « pâle et défait, le maillot bleu taché de sang.». Choppy Warburton, toujours vétu de sa longue redingote noire lança alors « I have seen a dead man at Orleans, and here he is now alive and first. » (j’ai vu un homme « mort » à Orléans et maintenant il est en vie et premier). On peut se poser beaucoup de question sur cette histoire et bien évidemment on pense aux fameuses petites fioles miraculeuses de Choppy en ce disant qu’elles seules étaient probablement à même de produire un tel retournement de situation. Au final, une légère erreur de parcours de Linton aboutit au classement ex aequo de Linton et de Rivierre qui avait franchit la ligne d’arrivée 1 minute et deux secondes derrière le Gallois. Celui ci épuisé va encore battre le record du monde des 100 kilomètres durant le mois de juin avant de rentrer en Angleterre où il meurt de la fièvre typhoïde, seulement huit semaines après la course. Il avait tout juste 24 ans. On évoqua la strychnine ainsi que le trimethyl, mais il est difficile de dire ce qu’il s’est réellement passé. On retrouve de nombreuses traces dans la presse de l’époque d’allusions aux méthodes singulières de Choppy que beaucoup considéraient comme un gourou mais qui fort de ses succès était un homme public connu et respecté. On parle de sa célèbre petite bouteille noire qui retapait comme par sa magie, son coureur quand il subissait un coup de barre. Les choses sont complexes d’autant que de très nombreuses sources comportent des erreurs stupides qui enlèvent tout sérieux à leur contenu. Ainsi certains évoquent la date de 1886 pour cet évènement alors que le premier Bordeaux Paris n’eut lieu qu’en 1891 et que c’est en 1896 qu’Arthur Linton y participa. Si aucune preuve réelle n’existe, la mort d’Arthur Linton puis celle de Jimmy Michael avant l’âge de trente ans ainsi que les accusations de dopage que Jimmy Michael porta contre Choppy, sont autant d’éléments qui laissent pour le moins planer de très gros doutes sur les méthodes de Warburton.

Un rapport de la Chambre des Communes Britannique sur le dopage dont je n’ai hélas pas pu retrouver la date exacte a déclaré : « Arthur Linton, cycliste britannique de Galles du Sud, aurait succombé à la fièvre typhoïde (neuf semaines après avoir établi un temps record dans la course Bordeaux-Paris). Sa mort (souvent donné en 1886) a été liée à l'utilisation de triméthyl - type de drogues à la mode dans le sport à l'époque - mais ce lien semble reposer uniquement sur des preuves indirectes ». http://www.dailypeloton.com/

Rüdiger Rabenstein, spécialiste allemand de l’histoire du cyclisme, maître de conférences à l’université de Münster, rapporte le témoignage suivant d’une personne ayant côtoyé Linton durant la course : « Je l'ai vu à Tours, à mi-course, à minuit, où il est arrivé avec les yeux vitreux, les membres tremblants et dans un état d'excitation nerveuse. Je l'ai ensuite entendu jurer - un événement très rare chez lui - mais après un repos il était reparti, bien qu'aucun de nous ne s'attendait à ce qu’il aille très loin. A Orléans, à cinq heures du matin, Choppy et moi nous nous occupions d'une épave - un cadavre, comme l'a appelé Choppy - pourtant, il eut assez d'énergie, de cœur, de courage, appelez ça comme vous voulez, pour lui permettre de reprendre 18 minutes lors des 70 derniers kilomètres d’une route vallonnée. » http://www.answers.com

Le journaliste britannique Simon Craig a déclaré : « Bien qu’il semble très probable que Warburton ait dopé ses cyclistes, et possible que la mort d'Arthur Linton ait été accélérée par les dégâts causés à son organisme par les substances administrées par Warburton, les symptômes décrits dans les journaux sont compatibles avec la fièvre typhoïde, et nous ne sommes pas en droit d'affirmer catégoriquement que la drogue a joué un rôle. Même avec les procédures modernes de test antidopage, il est difficile de prouver la culpabilité ou l'innocence d’un coureur, alors pour un incident survenu il y a plus d'un siècle cela est impossible. »

Peu de temps après la mort d'Arthur, Jimmy Michael stoppa sa collaboration avec Choppy Warburton et il s’expatria en Amérique, où il remporta diverses épreuves renommées et battit de nombreux records ce qui lui permit d’amasser une coquette somme d’argent. Jimmy prit alors sa retraite du cyclisme pendant un moment et tenta de devenir jockey et propriétaire de chevaux de course. Il échoua assez vite dans son entreprise et il tenta un come-back en 1902. Malheureusement, sans Choppy il n'était plus le même coureur. Il mourut, âgé seulement de 29 ans, en novembre 1904 sur le paquebot «Savoie» lors de son voyage retour à New York. Le décès est attribué à une crise de delirium tremens, probablement induit par l'abus d'alcool. La aussi, sa collaboration antérieure avec Choppy pose beaucoup de questions. Certains évoquent notamment, sans pouvoir donner la date et le lieu, une course au cours de laquelle Jimmy Michael après avoir pris une potion donnée par Choppy, s'était effondré sur la piste au bout de quelques tours. Le malheureux avait bien tenté de se reprendre, mais dans un état second, il avait certes réussi à remonter sur sa machine mais pour finalement partir dans la mauvaise direction. Il me semble que cette affaire est probablement celle qui a abouti à la rupture entre Jimmy Michael et Warburton. Jimmy a accusé Choppy de l’avoir dopé n’ont pas pour le faire gagner mais pour le faire perdre, lui son protégé. Une sorte de dopage à l’envers qui semble avoir été motivé par des paris juteux engagés par Choppy. Michael étant grandissime favori d’une épreuve qui était parrainée par la célèbre marque de chaînes de vélo Simpson, le faire perdre pouvait rapporter très gros. On évoqua dans cette affaire une potion dénommée Cuca cup : mixture chocolatée à base de cocaïne. Rien ne permet de confirmer le ou les produits utilisés. Il s’agit en tout cas de ce que l’on considère comme un « Doping to lose », c'est-à-dire une méthode consistant à administrer à un concurrent des substances diminuant ses capacités. L’affaire semble sérieuse car la NCU (National Cyclists Union fédération britannique de cyclisme fondée en 1878) a sanctionné sévèrement Warburton en l’interdisant d’exercer son métier sur l’ensemble du territoire Britannique.

Le Véloce sport de Bordeaux s’est fait l’écho de cette affaire à plusieurs reprises durant l’année 1896 comme en témoigne cet entrefilet du journal

Finalement les deux hommes avaient probablement tout à perdre de cette histoire c’est ce laisse à penser un entrefilet du « Journal des débats politiques et littéraires » daté du 29 janvier 1897 qui déclare : « Le procès que Choppy Warburton avait intenté à Michael…n’aura très probablement pas lieu. Il parait, en effet, que les deux adversaires viennent de ce réconcilier et que Michael va revenir prochainement sous la direction de Choppy ».

Malade du cœur, Choppy est décédé dans la misère à Wood Green, London, le 17 Décembre 1897 emportant avec lui, le secret de ses petites fioles mystérieuses. Il était demeuré très populaire en France malgré la suspicion de dopage qui planait sur lui comme en témoigne l’entrefilet extrait du « Journal des débats politiques et littéraires » du 25 décembre 1897 : « Les obsèques de Choppy Warburton ont été célébrés hier à Wood Green, aux frais du Sporting Life de MM Simpson et Sand. Des couronnes avaient été envoyées de France par le Syndicat des coureurs, le Journal des Sports, le Vélo, Mr Spoke… »*.

Monsieur Spoke est le surnom donné à Louis Bouglé un homme qui lui aussi mériterait bien un coup de chapeau. Inventeur de moulinet pour la pêche au lancé, cycliste professionnel, directeur pour la France des chaînes Simpson, ami de Toulouse Lautrec, joueur de cartes qui se retira à la campagne avoir dit on fait fortune en jouant…

Les méthodes d’entraînement de Choppy Warburton avaient certains aspects tout à fait rationnels et il était un véritable meneur d’hommes qui électrisait ses coureurs et qui impressionnait le public par ses grands gestes amplifiés par la longue redingote noire qu’il ne quittait jamais. Pourtant cet homme, à trop vouloir réussir et faire gagner ses protégés a probablement, un jour, franchi la limite en donnant des produits dangereux à ses coureurs. Les preuves n’existent pas mais les faits sont têtus. Ses poulains sont morts très jeunes. Trop jeunes. Quand à lui, il a été fauché par une crise cardiaque à 55 ans dans une misère absolue. Où était passé l’argent qu’il avait gagné durant ses années de gloire ? Certes il n’était pas riche mais devenu l’un des meilleurs entraîneurs managers de la vieille Europe, il a gagné pendant quelques années pas mal d’argent pour ne pas finir dans la misère. Dépensait il tout ses gains dans les jeux, abusait il de ses fameuses petites fioles dont il avait le secret ? Nul ne le sait aujourd’hui. Beaucoup de zones d’ombre demeureront à jamais autour de la personnalité de Choppy mais c’est peut être mieux pour lui car la vérité est souvent pire que ce que l’on imagine…

"Il faut de la sagesse en sport et souvent -hélas!- lorsqu'un homme aux muscles puissants, à la poitrine bombée et globuleuse résonnant parfaitement, use de sa force et surtout lorsqu'il cherche à suppléer à son manque de préparation en usant d'une façon immodérée de ces mixtures à base d'alcool, caféine, kola, coca dont Choppy avait la spécialité - pauvre Arthur Linton!- il a de fortes chances d'être voué presque fatalement à de graves désordres pulmonaires et cardiaques." "Du sport vélocipédique. Effets physiologiques et thérapeutiques". -Thèse Médicale de Deschamps G. Paris 1899; citée par http://www.dopage.com/

 


Jean Durry : La véridique histoire des géants de la route, Edita éditions, 1981
Jean-Pierre de Mondenard : Historique et évolution du dopage, in Annales de Toxicologie Analytique 2000

Richard O. Watson : Choppy Warburton Long Distance Runner and Trainer of Cycling Champions: Hero or Villain? Editeur : E Wileybooks (novembre 2006)

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