Charles TERRONT (1857 - 1932)
- Charles Terront, la première star française
du cyclisme
Ce mois ci j'ai eu envie de vous parler d'un
homme qui, au moment où le cyclisme n'en était
encore qu'à ces balbutiements, oscillant sans cesse
entre le spectacle de foire et les épreuves d'endurance
hors normes, devint la première vedette française
de ce sport naissant.
Né le 25 avril 1857 à Saint-Ouen., Charles
Terront est venu aux courses vélocipédiques
en 1876, grâce à son frère Jules. Rapidement
il excella dans les courses de fond mais également
dans les épreuves de vitesse. Celui qui bientôt
fut surnommé Charley démarra sa carrière
sur un grand bi avec lequel il remporta de très nombreuses
victoires jusqu'en 1889. Les grands bi de compétition,
avec une roue avant dont le diamètre était supérieur
à un mètre (un modèle dénommé
le renard possédait une roue avant de trois mètres
de diamètre) atteignaient vers 1884 le poids remarquable
de 10 kilos, mais ils avaient l'inconvénient considérable
d'être peu stables et dangereux. Face à ces défauts,
la bicyclette classique séduit assez vite de nombreux
utilisateurs à partir de 1886, d'autant que bientôt
elle ajoute à sa réputation de sûreté
un atout maître ce que l'on appelle à l'époque
" les caoutchoucs creux ". Déjà les
nostalgiques, tel Gendry de Montcontour écrivent "
on regrette ces belles courses d'antan, où tout le
groupe, haut monté, semblait passer dans l'air comme
un nuage, aux regards émerveillés des spectateurs
".
Bien
qu'il fut un des derniers à passer à la bicyclette
classique en 1889 Charley s'adapta parfaitement au progrès
et remporta avec elle ses plus belles victoires.
La carrière de Terront allait prendre une toute autre
dimension le 6 septembre 1891 lorsqu'il prit le départ
de la première édition de Paris Brest Paris.
Cette épreuve allait en effet donner à notre
homme mais aussi au sport en général ses premières
lettres de noblesse en connaissant un retentissement national
et international.
Charley utilisa pour Paris Brest Paris une bicyclette Humber
d'un poids de 21,5 kg dotée d'un frein à l'avant,
d'une sacoche de route, d'un guidon incurvé, d'un carter
de chaîne et de ce que l'on appelait à l'époque
un rattrape pédale (cale pied) et enfin, innovation
risquée, de pneumatiques démontables des frères
Michelin montés sur tringles à écrous
latéraux multiples.
On est surpris aujourd'hui de voir, dans ce qui constitue
finalement la préhistoire de notre sport, combien certaines
choses pouvaient déjà être organisées
et préparées avec minutie. Ainsi Jiel Laval,
qui fut le principal adversaire de Terront dans cette épreuve,
en tant que poulain de la maison Clément disposait
d'un manager et de huit entraineurs, contre 7 pour Terront.
A 34 ans Charley va réussir un exploit énorme
en remportant la première édition de Paris Brest
Paris en 1891. Le départ de la course fut donné
au petit matin du dimanche 6 septembre 1891. 206 concurrents
s'élancèrent pour un périple de 1200
km. La course suscita très vite un vif intérêt
dans le public. A Paris, le télégraphe communiqua
l'avancée des champions et annonça : "
Terront est arrivé à Brest 40 minutes après
Jiel Laval. Comme ce dernier, il a bu du bouillon , avalé
une poire, et après 5 ou 6 minutes d'arrêt, il
est reparti. Il ne semble pas fatigué, mais il ne décolère
pas en racontant ses incidents de route ". Corre le troisième
s'arrêta 8 heures pour dormir et dès lors la
course se résuma à un duel entre les deux hommes.
Terront crève une nouvelle fois et se retrouve seul
dans la nuit noire car son entraîneur vient de casser
sa chaîne. A l'approche de Guingamp, Terront apprend
par un de ses proches, que, sur les conseils de son manager,
son adversaire vient de se coucher. Il décide alors
de faire un détour afin d'éviter la rue principale
où les entraineurs de Jiel Laval ne vont pas manquer
de le guetter. Lorsque le manager de Jiel Laval apprendra
par un cycliste du cru que Terront est passé, celui
ci est déjà loin et la course est perdue. Le
mercredi matin à 6 heures 45, Terront arrive à
Paris devant une foule de 10000 curieux dont beaucoup ont
passé la nuit à attendre l'arrivée du
vainqueur.
Laissons Terront nous raconter les derniers hectomètres
de sa course à partir de la porte Maillot " je
commençai à emballer tant que je le pus ! Alors
ce fut du délire dans la foule qui se resserrait en
courant derrière moi aussitôt que j'étais
passé , et je franchis le poteau. On veut m'enlever
de ma machine. Mais je descends tout seul ". 100 ans
plus tard c'est à peu ce que vivent les leaders dans
les cols du Tour de France
Jiel Laval le second arriva avec 7 h 40 de retard, suivi
le lendemain de Coullibeuf, Corre, Gros et Allard et c'est
au total 99 hommes qui terminèrent la course dans le
délai limite de dix jours.
Terront
posant pour la postérité quelques jours après
Paris Brest Paris dans une tenue qui n'est pas celle utilisée
lors de la course.
1196 kilomètres, 71h37 heures d'effort sans dormir
pour une moyenne de 16,700 k/heure. Cet exploit fit beaucoup
pour l'engouement du public pour le cyclisme. Du jour au lendemain,
Charles Terront qui était au crépuscule de sa
carrière devint célèbre dans la France
entière. Mais plus important encore c'est la cause
du cyclisme qui était définitivement gagnée,
c'est ce qui fera écrire à J.H. Rosny l'auteur
de " la guerre du feu " que " la venue du cyclisme
est un des plus grands évènements humains qui
se soient produits depuis les origines de notre race. Je ne
sais si l'art du feu, l'écriture, l'imprimerie ont
plus d'importance ".
La reproduction de cette photo est de très mauvaise
qualité, mais elle permet de constater l'engouement
suscité par Paris Brest Paris. Il s'agit ici du passage
de Charles Terront à Saint Brieuc le lundi 7 septembre
un peu avant 7 heures du matin
Terront avec lappui de son entraîneur Duncan
(un ancien très bon coureur) va dès lors se
spécialiser dans les exploits au long cours. Il battit
dabord lors dun défi mémorable Corre
sur la distance de 1000 kilomètres derrière
entraineur avant détablir successivement deux
records tout aussi mémorables quinutiles Saint
Petersbourg Paris en 1893 et Rome Paris en 1894.
Parti le 27 septembre 1893 de Saint Petersbourg sur des chemins
déplorables Terront couvrit 1200 km en Russie avant
de traverser lAllemagne, puis la Belgique pour arriver
finalement au vélodrome Buffalo (à Paris) après
un périple de 3000 km effectué en 14 jours et
7 heures.
En
1893, au sommet de sa gloire, Terront fut sans nul doute le
premier sportif suffisamment célèbre pour quun
éditeur publie de son vivant ses mémoires. Dans
cet ouvrage, écrit avec Baudry de Saunier, Charles
Terront parle de sa vie, de ses courses, de Jules son frère
qui fut un très honnête coureur et il livre enfin
à ses lecteurs sa méthode dentraînement
La
même année parut également un ouvrage
de Duncan intitulé « En suivant Terront » qui entre autres au travers de 100 dessins retrace
le raid Saint Petersbourg Paris.
Le parcours de Charles Terront me semble remarquable, par
son palmarès mais surtout par son étonnante
capacité dadaptation, passant du grand bi à
la bicyclette et des épreuves de vitesse, aux courses
de fond et même aux épreuves marathon sans aucune
difficulté, démontrant ainsi des qualités
athlétiques peu communes. Terront était aussi
une sorte daventurier, de pionnier qui a su se servir
de sa notoriété pour préparer et réaliser
des exploits qui navaient finalement plus grand-chose
à voir avec le cyclisme mais qui lui ont permis daller
au bout de ses rêves. Alors Chapeau Monsieur Terront
Un site très documenté sur Jean-Marie CORRE,
qui a dirigé en 1901 une usine de voiture sur sous le nom « Société Française des Auto Corre »
Palmarès
1876 : 8 victoires
1877 : 7 victoires
1878 : 14 victoires
1879 : 7 victoires dont les 6 jours individuels de Boston
et Chicago, il réussit également à parcourir
546.927 km en 24 heures.
1880 : 6 victoires dont les 6 jours individuels de Londres,
Edimburg et Hull
1881 : 2 victoires
1882 : 2 victoires et 3ème du championnat de France
de vitesse
1883 : 1 victoire et vice champion de France de vitesse
1884 : 1 victoire
1885 : 3ème du championnat de France de vitesse. Dans
un course à Montpellier il réussit le temps
de 1minute 38 secondes sur le kilomètre.
1886 : 3ème du championnat de France de demi fond et
vice champion de France de vitesse
1887 : 2 victoires dont le championnat de Grande Bretagne
des 100 miles et vice champion de France de demi fond
1888 : Champion de France de demi fond (sur grand bi et face
aux bicyclettes) et champion de Grande Bretagne des 100 miles
(160 km en 5 h 3040 avec un grand bi)
1889 : Champion de France de demi fond (toujours sur grand
bi quil est un des derniers à utiliser)
1890 Il remporte pour la 5ème fois la grande course
de fond dAngers
1891 : 1er vainqueur de Paris Brest Paris sur une bicyclette
équipée du premier pneu démontable, de
marque Michelin.
Donné
un moment pour mort, "l'homme-coureur" va et revient
de Brest à plus de 16 km/h ! Pour ce faire, il pédale
3 jours et 3 nuits sans se reposer.
1894 : 2ème de Paris Lyon Paris
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Bibliographie :
DUNCAN, Herbert Osbaldo & LAFITTE, Pierre,
En suivant Terront de St-Petersbourg à Paris,
1894, 121 p.
TERRONT, Charles,
Les mémoires de Terront: sa vie, ses performances,
son mode d'entraînement (Collection Les Introuvables),
1980
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Charles Terront est décédé le
31 octobre 1932 à sainte Marguerite les Marseille.
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