PENNELL Elizabeth et Joseph 02-04-2013
Une fois n’est pas coutume, c’est à un couple que nous allons rendre hommage au travers de ces quelques lignes. Dans leur pratique de la vélocipédie comme pour toutes leurs autres activités, Elizabeth et Joseph Pennell sont absolument indissociables. Ensemble, ils formèrent un duo créatif et prolifique, écrivant des dizaines de livres et des centaines d'articles de presse sur leurs sujets de prédilection : l'art (peinture et littérature), la cuisine, les voyages et, en particulier leurs périples à bicyclette. Voyageant en tricycle, en tandem puis à bicyclette durant les années 1880 et 1890, ils ont produit notamment cinq livres illustrés relatant leurs aventures que l’on peut considérer aujourd’hui comme les premiers classiques de la littérature de voyage.
Sous une apparence plutôt bourgeoise et bien pensante, les Pennell, sans être des révolutionnaires inflexibles, ont bien souvent fait ce qu’ils pensaient et ce qu’ils voulaient sans se préoccuper des conventions et de la morale. Le premier coup de canif dans l’étoffe épaisse des préjugés et de la bienséance familiale fut leur mariage ! Elizabeth Robins, née le 21 février 1855 dans une famille catholique pratiquante de Philadelphie osa épouser un homme plus jeune qu’elle, Joseph Pennel, né lui aussi à Philadelphie le 4 juillet 1857, mais dans une famille de Quaker. D’un coté comme de l’autre, l’on n’envisageait pas le mariage en dehors du cercle strict définit par la croyance religieuse.
Après avoir tout d’abord travaillé comme commis tout en prenant des cours du soir à l'Ecole d'art industriel de Pennsylvanie, Joseph Pennell intégra la Pennsylvania Academy of Fine Arts. En 1880, il stoppe ses études et il décide de devenir illustrateur à temps plein. A la fois, lithographe, graveur, écrivain, enseignant, conférencier et illustrateur, Pennell est considéré par beaucoup comme le père de la gravure américaine.
Source : http://popartmachine.com/
Sous une apparence plutôt bourgeoise et bien pensante, les Pennell, sans être des révolutionnaires inflexibles, ont bien souvent fait ce qu’ils pensaient et ce qu’ils voulaient sans se préoccuper des conventions et de la morale. Le premier coup de canif dans l’étoffe épaisse des préjugés et de la bienséance familiale fut leur mariage ! Elizabeth Robins, née le 21 février 1855 dans une famille catholique pratiquante de Philadelphie osa épouser un homme plus jeune qu’elle, Joseph Pennel, né lui aussi à Philadelphie le 4 juillet 1857, mais dans une famille de Quaker. D’un coté comme de l’autre, l’on n’envisageait pas le mariage en dehors du cercle strict définit par la croyance religieuse.
Après avoir tout d’abord travaillé comme commis tout en prenant des cours du soir à l'Ecole d'art industriel de Pennsylvanie, Joseph Pennell intégra la Pennsylvania Academy of Fine Arts. En 1880, il stoppe ses études et il décide de devenir illustrateur à temps plein. A la fois, lithographe, graveur, écrivain, enseignant, conférencier et illustrateur, Pennell est considéré par beaucoup comme le père de la gravure américaine.
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En 1882, il collabore aux magazines Scribner et The Century. Son travail commence à être reconnu et en 1883 on lui propose d’accompagner William Dean Howells (écrivain et rédacteur en chef de « Harper’s magazine » en Toscane pour illustrer une série d'articles.
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Il passa ensuite quelque temps à dessiner en Angleterre et en Irlande Ce voyage en Europe semble être une véritable révélation pour Joseph Pennell qui ne songera désormais qu’à une chose : revenir sur le vieux continent pour y vivre et y travailler. De retour dans sa ville natale de Philadelphie, il se maria avec Elizabeth Robins au début de l’année 1884. Le couple Pennell ne s’attarda pas dans sa ville natale où la désapprobation de leurs familles respectives devait être pesante et ils décidèrent rapidement de repartir pour l'Europe. Londres devait être leur résidence principale pour les trente prochaines années.
Avant de suivre le parcours du couple en Europe attardons nous quelques instants sur la jeunesse d’Elizabeth Robins. Elle eut la douleur de perdre sa mère alors qu’elle n’avait que huit ans et jusqu’à l’âge de 17 ans, elle fut envoyée dans une école de bonnes sœurs. A son retour au domicile familial, Elizabeth est sans cesse en butte avec sa belle mère et son père qui veulent lui imposer de stricts principes religieux. Elizabeth n’est pas une suffragette mais elle ne conçoit pas la vie ainsi. Elle souhaite travailler et elle est très vite encouragée dans sa volonté d’écrire par son oncle, Charles Godfrey Leland, humoriste, ami d’Oscar Wilde, journaliste et écrivain spécialisé dans le folklore, les arts et les traditions populaires. Elle débuta dans ce métier en rédigeant des articles pour un mensuel nommé « The Atlantic Monthly » où elle croisa un illustrateur du nom de Joseph Pennell, qui, comme elle, subissait la réprobation incessante de sa famille qui ne souhaitait pas le voir continuer dans une profession artistique qu’elle considérait comme peu sérieuse et forcément immorale. Ce fut le début d’une fabuleuse histoire…
Lors de son séjour en Angleterre en 1883, Joseph se rendit à Coventry, capitale mondiale de l’industrie du cycle, pour acheter un tricycle. Il effectua le trajet Coventry Chester soit environ 160 kilomètres, pour tester la nouvelle machine.
En cette année 1883, alors que le Rover Safety Bike est encore en gestation, le choix d’un modèle de vélocipède est forcément restreint. Thomas Humber dont les machines sont très réputées, vient de déposer un brevet pour un nouveau type de tricycle convertible en tandem.
De nombreux modèles sont proposés à la clientèle dès 1884. On trouve des tricycles avec deux grandes roues à l’avant et une petite roue à l’arrière et pour d’autres, une petite roue directionnelle à l’avant et deux grandes à l’arrière. Lourd, peu maniable les tricycles connaissent néanmoins un réel succès à l’époque. Ils sont plus surs et plus faciles à apprivoiser que les penny farthing. La présence de trois roues permettait la disparition de toute notion d’équilibre et l’assise ainsi que le centre de gravité étant beaucoup plus près du sol, ils offraient à des personnes plus âgées ou simplement moins sportives la possibilité de goûter aux joies de la vélocipédie.
Il semblerait que Joseph ait décidé de faire l’acquisition d’un tricycle transformable en tandem et finalement pour les voyages que le couple projeta par la suite d’effectuer ce fut une excellente idée
et c’est finalement vers un modèle de ce type que se porta le choix des époux Pennell. Face au grand bi qu’Elizabeth, qui toujours porte une robe, ne pouvait et ne voulait probablement pas utiliser seule, le tricycle pouvait être une alternative fiable et cohérente.
« Dans le Coventry d’aujourd’hui, le tricycle est sur sa terre natale ... La ville est au tricycle ce que la Chine est à l'opium ou la Floride aux oranges » déclare les Pennell en préambule du récit de voyage “From Coventry to Chester on Wheels”. Ce document est publié en septembre 1884 dans le magasine : The Century Illustrated Monthly Magazine, alors que Joseph et Elizabeth sont désormais installés en Angleterre. Ce tout premier texte relatif à la vélocipédie est intéressant à plus d’un titre. Il est d’une part la vue d’un américain qui découvre Coventry, la capitale industrielle de la vélocipédie, les courses cyclistes mais aussi un document remarquable par les différents modèles de vélocipède que Joseph croque tout au long de son parcours.
It was therefore appropriate that i should start for my first tricycle run from Coventry. I was led there, however, not so much by a sense of the fitness of things, as by my desire to get a good machine.
« Il était donc approprié que je parte pour ma première randonnée en tricycle de Coventry. J'ai été amené là, cependant, non pas tant par le sens des convenances, que par mon désir d'obtenir une bonne machine.»
Lors de ce premier périple, Joseph mesure le retard des USA sur la vieille Angleterre où il trouve les bicyclistes beaucoup plus nombreux que dans son pays. De même la puissance « relative » du Cycliste Touring Club of England, qui œuvre pour l’amélioration des routes et il est même épaté quand il apprend que cette organisation a réussi à faire modifier en certain lieu, le réseau d’égout de Londres, compte tenu de sa dangerosité au croisement de certaines rues. Il évoque le confort dont jouissent les vélocipédistes Britanniques comparés à leurs homologues Américains.
Source : http://ebooks.library.cornell.edu
Son chemin le conduit à Derby où il assiste à des épreuves cyclistes sur piste. Cela semble être une nouveauté pour lui qui n’a pas du tout l’esprit de compétition et qui utilise sa bicyclette comme un outil pour découvrir le monde au plus près et à son rythme. La souffrance qui marque le visage du champion en plein effort l’impressionne au plus haut point.
“When he was still nearer, I saw that his face was pale, his eyes drawn, and his lips tightly compressed...It seemed to me his victory had been bought at too dear a price. There is, I suppose, a pleasure in being praised and feted which counterbalances the physical pain by which it is won.”
"Quand il fut encore plus près, j'ai vu que son visage était pâle, ses yeux tirés, et ses lèvres fortement comprimées ... Il me semblait que sa victoire avait été achetée à un prix trop élevé. Je suppose qu’il y a un plaisir a être loué et célébré qui contrebalance la douleur physique par lequel il est gagné. "
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Le tout premier voyage que le couple effectua ensemble sur son tricycle fut un pèlerinage à Canterbury, à la fin du mois d’août 1884. Pèlerinage n’est pas ici un vain mot car la cathédrale de Canterbury, où est enterré le roi Henri IV est également tristement célèbre pour avoir été la scène du meurtre de Thomas Becket (saint Thomas de Cantorbéry, archevêque assassiné par les partisans du roi Henri II), en 1170. À la suite de ce dramatique événement, Cantorbéry devint un haut lieu de pèlerinage pour les Britanniques. Par la route directe ce trajet ne représente qu’une petite centaine de kilomètres au départ de Londres.
Ce récit, comme les suivants écrits par Elizabeth est en fait une très agréable relation de voyage où se mêlent harmonieusement des informations sur les hébergements, la restauration, l’état des routes, les relations avec la population, le temps et les paysages.
Source : http://www.gutenberg.org/files
En lien avec les lieux traversés et pour agrémenter le tout, les Pennell ajoutent toujours des références culturelles qui font de ces textes relativement courts, un peu plus que de simples guides touristiques de la fin du XIXème siècle. Ici, ils évoquent Falstaff, le personnage haut en couleur de Shakespeare ainsi que Charles Dickens.
Source : http://ebooks.library.cornell.edu
Ce voyage court et facile séduit profondément le jeune couple qui décide immédiatement de repartir et d’effectuer le trajet Florence – Rome sur son superbe tricycle. Le livre que les Pennell ont tiré de leur périple est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers récits de voyage, c’est un classique du genre. C’est probablement le plus intéressant des ouvrages des Pennell sur le sujet et c’est également le seul qui bénéficie aujourd’hui d’une traduction en français.
Ce parcours qui nous paraît aujourd’hui anodin et plein de charme, dans une des plus belles régions du monde, était considéré par les amis du couple comme un périple à haut risque.
« Il est merveilleux de voir la sollicitude des mais pour prévoir les désagréments à votre place et leur empressement à vous les énumérer ».
« Là-bas (à Florence), nos amis furent encore plus nombreux à trouver notre pèlerinage insensé. Ils nous demandèrent si nous étions bien conscients des dangers que nous aurions à affronter. Le choléra, par exemple. Il fallut alors leur expliquer que nous passerions loin des provinces infestées pour aller à Rome. Puis ils insistèrent sur le fait que nous allions traverser des vallées où, jusqu’au début de l’automne, les risques de contracter la malaria étaient élevés. Notre réponse fut que nous devions atteindre ces vallées bien plus tard. Oui, mais que faisait-on de ces régions reculées peuplées de dangereux brigands ? De tous ces villages et de toutes ces campagnes qui, telle une plaie d’Egypte, étaient infestées de puces ? De la bonne nourriture aussi rare que dans le désert ? Bref tout cela était de la folie pure. Les prophéties précédentes s’étant révélées inexactes, leurs avertissements restèrent lettre morte et nos plans inchangés. Au matin du 16 octobre, soit trois jours après notre arrivée, nous prenions la route, sans poudre anti-puces ni cognac, sans quinine ni extrait de bœuf, sans rien de ce que nos amis nous avaient conseillés de prendre. Et c’est ainsi que nous foncions, selon eux, droit ans la gueule du loup. »
Il n’arriva rien de tout ce qui avait été prédit Elizabeth et Joseph par le cercle de leurs amis. Ceux ci étaient pour la plupart des aristocrates qui craignaient surtout de devoir ce mélanger avec le peuple et ils angoissaient probablement à l’idée de sortir de leurs salons autrement que solidement accompagnés d’une armée de serviteurs. Ils n’avaient pourtant pas tout à fait tort sur certains points. De nombreuses régions italiennes ne connaissent pas encore des conditions sanitaires suffisantes pour sortir définitivement des épidémies récurrentes et comme le couple pourra le constater la misère est partout présente dans les campagnes.
« Quel magnifique voyage nous avons fait de Sienne à Buonconvento !... Ce n’était pratiquement qu’une longue descente sur tout le trajet et nous profitions au mieux, volant de borne en borne. Nous avons calculé une fois que nous avions parcouru un kilomètre en moins de deux minutes et demie. Le paysage n’était que tristesse et désolation. Nous étions entourés de chaque côté de la route par de petites collines onduleuses, aussi dépouillées que la lande anglaise, avec les mêmes tons gris, brun et mauve. Ici s’élevait une colline plus escarpée que les autres avec une croix noire au sommet ; là une autre était couronnée de quatre cyprès maigrelets ; en contrebas, dans le paysage accidenté, quelques rares taches de verdure ; des femmes y gardaient des moutons et des cochons. Nous sommes passés une fois près de trois ou quatre maisons rassemblées autour d’une église, elles avaient l’air aussi ravagées que la campagne alentour. »
San Gimignano. 1905, Joseph Pennell
L’automne en cette fin de mois d’octobre est déjà très froid dans les collines au sud de Florence comme le constatent à leurs dépens les époux Pennell qui pédalent sur des routes en fort mauvais état et qui décrivent des paysages tristes et désolés fort différents de ceux que l’on connaît aujourd’hui et qui ont fait la renommée mondiale de la Toscane.
« Autant la route avait été difficile à gravir, autant elle était dangereuse à descendre et nous avons dû à nouveau marcher. Pour accroître notre inconfort, la pluie n’a pas tardé à tomber et il faisait si froid que nous devions souffler sur nos doigts pour les réchauffer...La route zigzaguait toujours entre des collines calcaires et rouler à travers ces paysages de désolation semblait interminable…Le même paysage aride persistait au-delà de San Quirico, avec ces chemins sans intérêt tracés dans la campagne onduleuse. Jusqu’à moins d’un kilomètre de Pienza, où des haies sont réapparues, nous n’avons pas vu un seul arbre le long de la route. Seuls signes de végétation, des roseaux près des petites mares sombres ponctuaient les champs gris. »
Pour ceux qui connaissent un peu cette magnifique région au sud de Sienne, la description des paysages d’Elizabeth laisse pantois. Certes l’automne et le mauvais temps enlevaient probablement beaucoup de charme aux collines toscanes mais s’agit-il uniquement de cela. Les paysages ont probablement changé quelque peu mais n’y a t-il pas avant tout une différence culturelle entre les goûts de deux voyageurs américains de la fin du 19ème siècle et les nôtres. C’est un peu comme si les paysages arides et dénudés de ces collines étaient, pour Elizabeth, le pendant de la pauvreté de la population locale. Aujourd’hui, la Toscane est riche de son tourisme, de ses monuments mais aussi de sa vigne et de ses oliviers et nous sommes charmés par ces mêmes collines ornées de ci de là par de fiers cyprès colonnaires. La pauvreté a disparu et l’esthétique des paysages nous séduit en toute indépendance.
Déjà la confrérie du cycle, cette solidarité et cette empathie immédiate entre pratiquants unis par le même amour de la bicyclette existait comme en témoigne une rencontre que firent les Pennell dans le charmant village de Montepulciano.
« Alors que nous étions assis là ; la porte s’est ouverte et un jeune italien, vétû à l’anglaise, avec une canne à pommeau d’argent, est entré et s’est installé à la table voisine. Lorsqu’on lui a apporté son café, il a demandé au serveur s’il avait vu un couple d’Anglais arrivé la veille à vélocipède…
Je vous demande pardon, M’sieurs, dames, mais n’est ce point vous qui êtes venus à Montepulciano en tricycle ? Oui a répondu Joseph plutôt sèchement.
Ah ! je le savais bien ! a continué l’Italien satisfait de la réponse. Je l’ai vue, c’est une Humber. Belle machine. Moi-même je monte à vélocipède, la « Spétchiale Cloube » Vous connaissez.
Nous étions des compagnons de cyclisme et cela suffisait pour être immédiatement des amis… »
Les Pennell, y compris quand ils sont accompagnés d’autres cyclistes, demeurent toujours des touristes, il n’y a pas chez eux l’envie de performances sportives, le tricycle est simplement pour eux le meilleur moyen de découvrir une région et sa population en toute liberté. Ainsi à Sienne après avoir suivi les traces de Dante, ils s’attardèrent un long moment dans la cathédrale pour admirer les trente sept panneaux en marqueterie du pavement qui retracent l’univers religieux de l’ancien testament.
Après un détour par Pienza, village natal de Pie II que celui-ci dans un délire mégalo avait rêvé de transformer en une ville importante, ils firent également une longue halte à Cortone à la recherche de la maison du peintre Lucas Signorelli avant de s’attarder longuement à Assise où la basilique consacrée à Saint François leur fait une grande impression.
« Nombre de ceux qui avaient visité cette église grandiose ont longuement décrit ses trésors mais personne n’a jamais vraiment dit, à quel point elle est exceptionnelle. »
Plus au sud à Foligno, ils s’arrêtent pour comparer leur vue de la ville avec le tableau de Raphael « La Madone de Foligno ». Enfin ils rejoignent la Via Flaminia, dans la vallée du Clitumme qui évoque pour eux le pays de Virgile.
En général, pour effectuer leurs visites, ils déposent leur tricycle à l’auberge où ils doivent passer la nuit ou quand la visite n’est pas dans un lieu d’étape ils laissent leur machine dans un commerce car la circulation dans les ruelles encombrées de ces cités anciennes n’est jamais aisée.
A l’entrée d’Assise ils doivent même affronter le regard courroucé d’un prêtre qui a probablement cru voir dans le tricycle de Joseph et Elizabeth un engin du démon…
« Nous avons rencontré près de la porte de la ville un moine en robe de bure, une corde nouée autour de la taille. Il s’est arrêté pour nous examiner et à fait une grimace de désapprobation, je pense que Saint François en aurait souri. »
Il était parfois difficile pour les Pennell d’avoir un contact avec la population. C’est deux mondes qui se rencontrent, qui se tolèrent mais qui ne se parlent pas ou mal. D’un côté nos deux américains qui voient les cités et les paysages en fonction des écrits et des peintures d’artistes célèbres et de l’autre un peuple pauvre, souvent illettré, rustre et âpre aux gains. En ce domaine, Elizabeth a parfois la dent dure et le verbe acerbe.
« Durant notre court trajet – quinze kilomètres seulement sépare Assise de Foligno – nous avons remarqué une grande différence dans la population. Non seulement beaucoup de femmes ici portaient des corselets et de longues boucles d’oreilles et nouaient leurs fichus au sommet de leurs crânes mais, comme les hommes elles étaient moins aimables et plus stupides que les Toscans ou que les Ombriens de la région de Pérouse. Peu de gens nous adressaient la parole et une femme fut même si étonnée de notre salut qu’elle nous a remerciés comme si elle n’était pas habituée à tant de civilité. »
La mécanique vient aussi parfois mettre son grain de sel dans le voyage et c’est alors que l’on s’aperçoit quel courage il fallait pour s’aventurer ainsi à tricycle sur des chemins de boue et de pierres…
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« Le tricycle ne ralentissait aucunement malgré mes efforts et, à ma grande surprise, Joseph nous a dirigés vers un tas de cailloux sur le bord de la route. « Le frein a lâché, » m’expliqua-t’-il après nous avoir fait chaviré en douceur…
Quelques mètres plus loin descendait une route aussi escarpée que celle que nous venions de gravir, avec tant de virages que nous pouvions en voir chaque tronçon comme autant de terrasses se juxtaposant le long de la descente. Nous avons fait une centaine de mètres et c’était tout aussi pénible de retenir le tricycle que cela avait été de le pousser. Puis nous sommes remontés dessus, mais le câble du frein s’est détaché de la poignée une seconde fois. Après l’avoir démonté, Joseph a tenté de le remettre solidement en place. Il s’est cassé en deux entre ses mains. Nous étions là, à une dizaine de kilomètres de Terni, sur une route de montagne isolée, au crépuscule, car le soleil venait de se coucher, avec un engin sans frein qui, si on le laissait dévaler la colline avec le poids de ses deux passagers et de ses lourds bagages, deviendrait plus incontrôlable qu’un cheval au galop…Etait il vraiment surprenant que nous ayons perdu tous deux notre sang-froid et qu’un accident eut été le moindre mal que nous aurions pu souhaiter aux constructeurs de notre tricycle, plus préoccupés de légèreté que de solidité depuis qu’établir des records était devenu le seul but du vélocipédisme. Ceux qui s’aventuraient sur les routes pour leur plaisir risquaient de se briser le cou, en toute impunité pour les constructeurs ! »
Enfin ils touchent au but et ils aperçoivent au loin la coupole de la Basilique Saint Pierre se détachant au dessus de la campagne entourant la ville. L’entrée dans la Ville Eternelle se fait sans encombre mais arrivée place d’Espagne dans le cœur ancien les choses se gâtent et leur volonté de continuer à pédaler leur vaudra au final une arrestation et une amende pour course sauvage sur le Corso et refus d’obtempérer aux ordres…
En mai 1886, Joseph Pennell qui est désormais reconnu comme un éminent connaisseur de la bicyclette relate pour le magasine Outing (c’est ce magasine qui finança et publia les récits de voyages de Frank Lenz) toutes les nouveautés présentées au Stanley Show de Londres, qui était en quelque sorte le salon mondial de la bicyclette.
En 1888 le couple publia un autre livre “Our Sentimental Journey through France and Italy”, relatant leur voyage en tricycle de Calais à Rives près de Grenoble. En introduction de cet ouvrage qui se veut un hommage à l’écrivain Laurence Sterne et à son roman inachevé « Voyage sentimental à travers la France et l'Italie », les époux Pennell donnent quelques explications à leurs envies et à leur mode de voyage.
« Our great ambition when we first set out on our tricycle, three years ago, was to ride from London to Rome. We did not then know exactly why we wanted to do this, nor do we now.”
« Notre grande ambition lorsque nous sommes montés sur notre tricycle, il y a trois ans, était de rouler de Londres à Rome. Nous ne savions pas alors exactement pourquoi nous voulions faire cela, et nous ne le savons pas plus aujourd’hui. »
Finalement ce voyage ils l’effectuèrent à peu près en totalité mais en trois fois et dans le désordre Après le trajet Florence Rome et avant la traversée des Alpes de Dijon au Lac Majeur, le parcours qu’ils effectuent cette fois ci, suit précisément les traces de Laurence Sterne et démarre à Calais, direction Montreuil, Nampont, Abbeville, Amiens, Paris, Montargis, Moulins, Lyon avec un « s », Vienne et enfin Rives.
Si le contact avec la population française ne semble avoir été toujours parfait, les Pennell prennent toujours le temps de découvrir, là un musée, ici une église ou des vestiges romain comme à Vienne.
“Now, you wander into a clean, quiet Place, from the centre of which a Roman temple, in almost perfect preservation, frowns a disdainful reproach upon the frivolous cafes and confectioners, the plebeian stores and lodgings, that surround it. And again, you follow a dark winding alley under a fine Roman gateway, and find yourself in an old amphitheatre, houses built into its walls and arches, and windows full of flowers and clothes drying in the sun.”
« Maintenant, vous vous retrouvez dans un endroit propre et calme, au centre duquel un temple romain, dans un état de préservation presque parfait, fronce les sourcils d’un reproche dédaigneux sur les cafés frivoles et les confiseurs, les magasins populaires et les logements, qui l'entourent. Et de nouveau, vous suivez une ruelle sinueuse et sombre sous une belle porte romaine, et vous vous retrouvez dans un vieil amphithéâtre, avec des maisons construites dans ses murs et ses voûtes et des fenêtres pleines de fleurs et de linge séchant au soleil. »
Il fallut près de dix ans au couple pour achever définitivement leur Londres - Rome dont ils avaient tant rêvé depuis l’acquisition de leur tricycle. Entre temps, les deux époux ne sont pas restés les bras croisés dans leur appartement londonien.
Ensemble, en 1889 à la demande du journal « Harper’s magasine » pour lequel ils travaillaient, ils effectuèrent, sans leur tricycle, un voyage en Ecosse et aux Hébrides. D’abord publié dans le magasine, ce fut ensuite un livre sous le titre « Our journey to the Hebrides ». Comme ils l’évoquent dans la préface de l’ouvrage, ce périple leur est imposé par le magasine alors qu’ils souhaitaient dès cette époque vivement retourner en France
Cette même année, Joseph publie dans le magazine Outing du mois de mars, un mini guide pratique “How to cycle in Europe,” « Comment voyager à bicyclette en Europe » destiné aux américains désireux de tenter l’aventure.
En 1890,Elizabeth quand à elle explique aux jeunes comment utiliser une bicyclette dans un article intitulé « Cycling » publié en juillet par le magasine pour la jeunesse « St. Nicholas: an illustrated magazine for young folks ». L’année suivante, Joseph délaisse le pinceau pour la plume, le temps d’un article traçant les grandes lignes de l’histoire de la bicyclette centrée sur le tourisme et les voyages “Cycling: past, present, and future,” pour le magasine « New Review »
En 1891 ils effectuent, un nouveau voyage cette fois ci en Europe de l’Est. Ils avaient depuis longtemps le projet de décrire la vie des gitans mais à la suite d’un premier projet avorté, ils limitent leur ambition à une découverte des pays où ils résident. Ce périple sera relaté dans un article intitulé “To Gipsyland,” publié par « The Century Illustrated Monthly Magazine », en deux parties en novembre et décembre 1892. Les matériaux ayant servi de base à ces articles serviront comme cela est souvent le cas chez les Pennell de base à la conception d’un livre qui sortira en 1893.
D’autres articles suivront durant les années suivantes ; parmi eux on peu noter celui que publia la revue « Ladies in the Field, » en 1894. Intitulé tout simplement « Cycling », il se donne pour objectif d’encourager les femmes à faire de la bicyclette en s’appuyant sur les multiples expériences d’Elizabeth.
En 1896, ils sont de nouveau sur les routes pour explorer la région de Londres et Elizabeth met en parallèle ce qu’ils découvrent avec la littérature historique évoquant ces lieux.
Dans “Over the Alps on a Bicycle” en 1898, les Pennell désormais nantis tous deux de « safety bicycles », nous narrent ce qui est probablement leur voyage le plus difficile et le plus ambitieux : la partie centrale et au combien montagneuse de leur projet initial, le fameux Londres - Rome dont ils ont tant rêvé.
Fini les grands bis, désormais le règne de la bicyclette moderne est arrivée et c’est sur des Rover qu’ils voyagent désormais. Partis de Dijon en direction de Dôle dans le Jura, ils escaladèrent le col de la Faucille (1323 m), avant de rejoindre Chamonix. Le menu des jours suivants est des plus corsés car ils franchirent ensuite le col des Montets (1461 m), le défilé de la Tête Noire (partie du col de la Forclaz), le col de la Forclaz (1526 m), le Grand Saint Bernard (2469 m), le Simplon (2008 m), le Splügen (2113 m), le San Bernardino (2065 m), le Saint Gothard (2018 m) et enfin la Furka (2429 m) et le Grimsel Pass (2165 m). Le col du Brünig culminant à 1008 mètres étant le dernier sommet de cette traversée des Alpes à cheval sur trois pays la France, la Suisse et l’Italie. Il est nécessaire de rappeler ici qu’en 1897, ils ont tous les deux, dépassé les quarante ans et qu’ils n’ont plus la force et les jambes qu’ils possédaient dix ans auparavant. Le matériel s’st amélioré mais il reste rudimentaire et inadapté à la haute montagne. Pas de triple plateau, de cadre en carbone et autres bijoux pour leur faciliter la vie et rendre les ascensions moins pénibles. Joseph et Elisabeth doivent se contenter de ce qui se fait de mieux à l’époque, c'est-à-dire des machines sans changement de vitesse et dotées d’un seul frein. Une grande partie des ascensions sera effectuée à pied en poussant la machine.
Les routes françaises sont, selon Elizabeth, de grandes qualités surtout si on les compare aux routes Suisses dont elle assure avec un brin de méchanceté qu’elles ont toutes été construites par Napoléon et que depuis la disparition de l’empereur, elles ne sont plus entretenues. Visiblement les relations avec la population et la maréchaussée Suisse ne sont pas ce qu’elle apprécie le plus durant le voyage.
« We were in Switzerland again, and at once on bad roads and hindered and delayed by the petty persecutions of the native…”
« Nous étions à nouveau en Suisse, et immédiatement sur de mauvaises routes et entravé et retardé par les persécutions mesquines des autochtones... »
La montée du Simplon s’avère un véritable chemin de croix pour Elizabeth qui, après avoir enduré la pluie, les jours précédents ; doit faire face à une journée de canicule.
« The heat was so fierce that the perspiration rolled in great drops from my face and the machine was like fire in my touch. I had to stop every few minutes to cool off…”
« La chaleur était si féroce que la sueur coulait à grosses gouttes sur mon visage et la machine était comme un feu au toucher. Je devais m'arrêter toutes les cinq minutes pour me rafraîchir… »
« When I grumble, people think it is because I am not enjoying myself. But they do not understand. If the coach and six had been placed at my disposal that afternoon, I would not have taken it, though Joseph alone knows how ill-tempered I was. I had the grace to be ashamed and I tried to explain my attitude to him. I hated what I was doing. I hated to push the machine, to be sweltering in july sunshine, and smothered in dust. But after it was over I knew I should be immensely proud of my achievement, and I was game to the end. He said that was the true sporting spirit and so we did what we could to make the best of my temper.”
« Lorsque je grogne, les gens pensent que c'est parce que je ne m'amuse pas. Mais ils ne comprennent pas. Si l'entraîneur et six autres avaient été mis à ma disposition cet après-midi, je ne l'aurais pas prise, seul Joseph savait combien de mauvaise humeur j'étais J'ai eu la grâce d'avoir honte et J'ai essayé de lui expliquer mon attitude. Je détestais ce que je faisais. Je détestais pousser la machine, à être oppressée au soleil de juillet, et étouffée dans la poussière. Mais après c'était fini, je savais que je serais extrêmement fière de ma réussite, et que j'étais dans la dernière partie. Il a dit que c'était le véritable esprit sportif et nous avons donc fait ce que nous pouvions pour tirer le meilleur de mon humeur. »
Après l’effort, le réconfort et visiblement Elizabeth à bout de force n’aspire qu’à une chose : goûter à un repos bien mérité.
“I had climbed, with my own legs, fifteen and a quarter miles from Brieg, and steadily for seven and a half hours to get there, and now I was there I did not care in the least about anything but the Hospice, where we hoped to spend the night, and the hospice did not as much as show itself until we were almost at the door of the big building that stands back in its semicircle of peaks directly beneath a glacier. If Napoleon put it there to shelter the weary traveller no one had a better right than I to beg a night's lodging. I was never so dead tired in my life. »
« J'avais grimpé, avec mes propres jambes, quinze milles et quart depuis Brieg, sans interruption durant sept heures et demie pour y arriver. Maintenant que j'étais là, je me moquais de tout, sauf de l Hospice, où nous espérions passer la nuit. L'hospice était bien caché et nous l’avons découvert lorsque nous étions presque à la porte du grand bâtiment qui se dresse en retrait dans son amphithéâtre de sommets, juste sous un glacier. Si Napoléon l'a mis là pour abriter le voyageur fatigué, alors personne n'avait plus de droit que moi à mendier un gîte pour la nuit. De ma vie, je n'avais jamais été autant morte de fatigue. »
Dans la descente du Simplon, Elizabeth est tout à sa joie de se retrouver sur le territoire italien et elle va à la faute. La chute endommage fortement la bicyclette d’Elizabeth qui le raconte avec beaucoup d’humour et de piquant.
« In fact the machine looked more like the folding bicycle of the french army than the Rover I had been riding a second before...”
« En fait la machine ressemblait plus à la bicyclette pliante de l'armée française qu'à la Rover je montais une seconde avant... »
Le col de la Furka est l’occasion pour Elizabeth de nous expliquer comment les cyclistes de l’époque avec ou sans frein se débrouillaient tant bien que mal pour éviter la chute et profiter des descentes qui visiblement n’étaient pas de tout repos.
“I thought the descent more perilous than ever, when from the Rhone Glacier Hotel, I watched other cyclers tackle it; six or seven in all, and only one coasting with ease. He had a pneumatic brake like ours. The others controlled their machines by the most laborious contrivances, the simplest being to back pedal with the right foot, while the left was lifted up and pressed firmly on the front tyre. And I suppose they were all rejoicing over the pound or so saved in weight by not carrying brakes”.
“J'ai trouvé la descente plus périlleuse que jamais, quand de l'Hôtel Glacier du Rhône, j'ai regardé d'autres cyclistes y faire face; six ou sept en tout, et un seul roulant avec facilité. Il avait un frein sur pneumatique comme le nôtre. Les autres contrôlaient leurs machines par les artifices les plus laborieux, le plus simple étant le rétropédalage avec le pied droit, tandis que le gauche était levé et appuyait fermement sur le pneu avant. Et je suppose qu'ils se réjouissaient tous de la livre ou deux de poids qu’ils avaient gagné en ne possédant pas de freins. »
Elle ajoute malicieuse :
« It added to our comfort to sit there, conscious of a good day’s work done and a room secured in the attic and to see them one after the other turned away from a hotel full to overflowing ; some to tear down to Brieg ; others to press on tediously up the Grimsel. It was a judgment for not having brakes. With brakes, they might have beaten me, and been given the only room in the hotel.”
“Il s’ajoutait à notre plaisir d’être assis là, satisfaits d’une bonne journée de travail et d’avoir une chambre réservée dans le grenier, le fait de les voir l'un après l'autre se détourner d'un hôtel plein à craquer, les uns pour se rabattre à Brieg, d'autres pour gravir péniblement le Grimsel. Ils étaient punis pour ne pas avoir de freins. Avec des freins, ils m'auraient peut être battue, et ils auraient obtenu la seule chambre encore disponible à l'hôtel »
Deux autres voyages suivront en Andalousie et en Ecosse mais il semble que Joseph les ait effectués seul. Divers articles seront encore publié par l’un ou par l’autre jusqu’en 1902 mais désormais, les époux Pennell ont tourné la page et ils se consacrent à leurs nombreuses autres activités. Il est intéressant de noter le déclin de l’engouement du public pour la bicyclette au profit de l’automobile et de la moto s’exprime simplement et implacablement dans les deux derniers articles publiés par Joseph. En janvier 1901, il écrit “Cycles and motors in 1900,” et en février 1902 “Motors and cycles: The transition stage,”…
Les voyages mais aussi les livres ainsi les articles consacrés à la bicyclette, à son évolution technique et à sa pratique qui nous paraissent être une somme importante ne représentent pourtant qu’une toute petite part de l’intense activité des Pennell tout au long de leur vie. L’œuvre de Joseph Pennell est immense et très variée. Outre les articles sur la bicyclette et quelques livres, elle comprend plus de 1500 dessins, lithographies et peintures. Parmi cette riche production, on trouve bien sur les illustrations des ouvrages du couple, mais également une importante série consacrée à l’Italie, une autre sur la France et ses monuments ainsi que de nombreux travaux sur sa ville natale Philadelphie, sur Londres et sur le canal de Panama. Joseph a également réalisé de nombreux dessins de guerre pour soutenir l’effort des alliés. Artiste connu et reconnu de son temps, Joseph Pennell remporta une médaille d’or à l’exposition universelle de Paris en 1900 et il fût également le premier artiste étranger à être exposé de son vivant à la très célèbre galerie des offices de Florence.
Elizabeth développa son activité d’écrivain dans de nombreux autres domaines que le récit de voyage. Elle publia plusieurs biographies de grande qualité : Mary Wollstonecraft (une des fondatrices de la philosophie féministe, mère de Mary Shelley), Charles Leland, James Abbott McNeill Whistler (peintre américain et ami du couple) et enfin, après sa mort, une biographie de son mari Joseph.
Elle écrit régulièrement dans les colonnes consacrées à la cuisine d’un journal dénommé « Pall Mall Gazette ». Ses chroniques régulières paraissent sous le titre “The Wares of Autolycus,” «les marchandises d’Autolycus. Comme elle le reconnaît sans difficulté elle n’est pas un grand chef bien au contraire mais son intelligence et sa subtilité pour analyser l'art de la cuisine font le succès ce ces articles. Ses articles font aujourd’hui encore référence et on considère qu’elle est une premières à avoir ouvert la voie aux auteures et critiques culinaires féminines. Peut être plus encore que la bicyclette les livres de cuisine furent sa grande passion et à sa mort, elle possédait plus de 1000 volumes dont quelques exemplaires anciens d’une grande rareté. Sa collection a été donnée à la Librairie du Congrès Américain à son décès.
A Londres mais aussi à Florence où les Pennell ont également séjournés assez longtemps, ils ont tenu salon et de nombreux artistes et intellectuels dont James McNeill Whistler, George Bernard Shaw, Henry James, Oscar Wilde, Edmund Gosse et Maximilian Beerbohm aimaient à s’y retrouver et à y discuter.
En 1917, le couple lassé des horreurs de la guerre que Joseph a vu de près notamment à Verdun où il s’est rendu dans le cadre de son travail pour l’armée Britannique, décide de retourner vivre en Amérique. Ils s’installent à Brooklyn où finalement Joseph décèdera le 23 avril 1926. Elizabeth s’installera ensuite à Manhattan où elle demeurera jusqu’à son décès le 14 février 1936.
Couple indépendant et fusionnel, Joseph et Elizabeth Pennell ont toujours vécu comme ils l’entendaient, se jouant avec délice des conventions et des contraintes que souhaitaient leur imposer leurs familles respectives. Ils ne furent pas des révolutionnaires et jamais Elizabeth ne porta autre chose que des robes pour pédaler seule ou avec Joseph sur leur fameux tricycle. Pourtant, à force de courage et de persévérance, quelle vie magnifique, ils se sont construits, pendant toutes ces années de voyage, de dessins et d’écriture. Unis par les mêmes goûts artistiques, travaillant en symbiose, ils partageaient aussi le même amour pour la petite reine, qu’elle fût à deux ou à trois roues. Laissons à Elizabeth le soin de conclure en nous exprimant sa passion pour la bicyclette.
“I myself believe that there is no more healthful or more stimulating form of exercise; there is no physical pleasure greater than that of being borne along, at a good pace, over a hard, smooth road by your own exertions… It is for these reasons, for the pleasure of motion, the beauty to be found in every land, the many associations by the way, that I love cycling and should be glad if every boy and girl loved it with me”
«Je crois qu'il n'y a pas manière plus saine ou plus stimulante d'exercice, il n'y a pas de plaisir physique plus grand que celui de se déplacer ainsi par ses propres efforts, à un bon rythme, sur une route possédant une chaussée dure et lisse.. C'est pour ces raisons, pour le plaisir du mouvement, les merveilles que l'on découvre dans tous les pays, les multiples rencontres fraternelles sur la route, que j'aime le vélo et que je serais heureuse si chaque garçon et fille partageait cela avec moi".
« Cycling”. Elizabeth Robins Pennell in “St. Nicholas: an illustrated magazine for young folks », 1890
Les ouvrages et articles consacrés à la bicyclette de Joseph et Elizabeth Pennell
Liste non exhaustive :
« L’Italie à vélocipède », de Joseph et Elizabeth Pennell, Editions Desjonquères / La Fosse aux ours (Collection Via Fillungo) Traduit de l’anglais, mai 2005. Titre original : “Two pilgrims’ progress : from fair Florence to the eternal city of Rome”. Boston: Roberts Brothers, 1886
“From Coventry to Chester on wheels,” in The Century Illustrated Monthly Magazine, Septembre, 1884, page 643-655, Joseph Pennell,
“A Canterbury Pilgrimage”, Joseph Pennell and Elizabeth Robins Pennell, Charles Scribner's Sons 1885, 89 pages.
“Our Sentimental Journey [through France and Italy]”, Joseph Pennell and Elizabeth Robins Pennell, T. Fisher Unwin, 1888, 263 pages.
“Our journey to the Hebrides” Joseph Pennell and Elizabeth Robins Pennell, Harper and Brothers publishers, New York, 1889
“To Gipsyland” Joseph Pennell and Elizabeth Robins Pennell, London: T. Fisher Irwin, 1893
“Cycling,” Elizabeth Robins Pennell article in “Ladies in the Field”, ed. Beatrice Violet Greville. London: Ward and Downey, Ltd., 1894
“Around London by Bicycle.” Elizabeth Robins Pennell article in “Harper’s New Monthly Magazine”, September, 1897
« Twenty Years of Cycling. », Joseph Pennell and Elizabeth Robins Pennell, “Fortnightly Review”, August, 1897, and ”Living Age”, September 1897, and “Eclectic Magazine” October, 1897
“Over the Alps on a Bicycle” Joseph Pennell and Elizabeth Robins Pennell, T. Fisher Unwin, 1898, 122 pages.
“In Andalusia with a bicycle,” Joseph Pennell, article in “The Contemporary Review”, May 1898, and ”Living Age”, July 1898, and “Eclectic Magazine” July 1898
“The Welsh cornice,” Joseph Pennell, article in “The Contemporary Review”, April 1899, récit d’un voyage en Ecosse
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