Le Petit Braquet
 
Chronique n° 8
 
 

André Pousse

 

Coup de chapeau à ...

 

André POUSSE (1919 - 2005)

- André Pousse, en haut de l’échelle à 20 ans en tant que coureur cycliste professionnel

• Il y a tout juste un an, le 9 septembre 2005, André Pousse nous quittait des suites d'un accident de la route. Sa gouaille, ses bons mots et sa tronche de mandat d'arrêt comme le disait si bien un de ses amis nous manquent. Ce triste anniversaire constitue pour moi de l'occasion de revenir sur la carrière atypique et passionnante de ce titi parisien.

 

 

Ci-dessous : André Pousse, à gauche, au départ d'une course au Vel d'Hiv, en 1949.

 

 

Comme beaucoup, André Pousse est venu à la compétition par hasard, en pratiquant le vélo sur route avec des copains qu'il épatait par son aisance. Très vite il s'oriente vers la piste qui correspond mieux à ses qualités naturelles et probablement à son état d'esprit. Quelque part il est déjà, sans le savoir, un homme de spectacle. La piste avec ses épreuves courtes, nerveuses et tactiques où son intelligence, sa roublardise et son envie de plaire font merveilles est taillée à sa mesure.

Né en 1919, sa carrière est, un temps, stoppée par la grande guerre. Mobilisé en 1939 puis libéré en 1941 à l'issue de la drôle de guerre, il revient immédiatement s'entraîner au Vel d'Hiv, qui est resté ouvert malgré l'occupation. Remarqué chez les amateurs il passe professionnel et de 1942 à 1949 il va participer à de très nombreux six jours en France mais aussi aux Etats Unis. Il est difficile d'imaginer ce qu'était l'atmosphère du Vélodrome d'Hiver de Paris tant l'engouement populaire de cette période contraste avec ce que l'on connaît aujourd'hui du cyclisme sur piste.

Laissons André Pousse nous présenter lui-même cette ambiance:

"L'ambiance des 6 jours au Vel d'Hiv, c'était quelque chose. Du folklore populaire à l'état pur, surtout le samedi soir. Sous la lumière des lampes à arc, les sprints, les chasses se succédaient au son de l'accordéon qui sortait des hauts parleurs, tandis que la foule hurlait dans les tribunes pleines à craquer. Près de 20 000 personnes venaient avec des saucissons, des camemberts et du gros rouge…Des couples emmenaient même les mômes et leurs pots de chambre… "

Les courses sont nombreuses et la foule se presse dans les gradins pour assister à de mémorables bagarres lors des chasses et des sprints. Au centre de la piste, un restaurant de luxe accueille le Tout Paris qui vient souper en smoking et robe du soir. Voir et se faire voir dans ce lieu hautement symbolique de la vie Parisienne. Dans ce milieu, à la fois populaire et très à la mode, André Pousse est à l'aise comme un poisson dans l'eau. Il n'est certes pas le meilleur coureur sur la piste mais il sait faire le spectacle, et s'attirer le respect du milieu. Attirance ou non pour la pègre, il entretien de bonnes relations avec quelques mafieux qui traînent au Vel d'Hiv. En cela il est probablement le digne héritier de son père, qui par son métier de commissaire de police avait des relations avec de nombreux. truands. Un peu plus tard, lors de son séjour aux USA il aura, selon ses dires, quelques contacts avec des mafiosos célèbres. Peut être les observait il minutieusement pour préparer sa reconversion.

Très vite il devient " un cador ", un des coureurs les plus populaires du Vélodrome et il a de nombreux admirateurs et admiratrices. Alain Delon se souviendra plus tard quelle avait été sa joie, lorsque gamin, il avait eu le privilège de tenir le vélo d'André Pousse avant un départ de course.

Durant cette période où il est en pleine lumière, il rencontre de nombreuses personnalités des arts et du spectacle et noue quelques solides relations d'amitié qui ne se démentiront pas quand sa carrière sera terminée.

 

      

 

 

En 1948, André Pousse effectue une tournée aux USA, c'est l'occasion pour lui de faire de très nombreuses épreuves mais aussi de faire de nouvelles rencontres importantes pour la suite de sa vie. C'est lors de ce séjour qu'il sympathise avec Marcel Cerdan et qu'il fait connaissance avec sa célèbre partenaire à la ville : Edith Piaf. Il prévoit de faire le trajet de retour avec Marcel Cerdan puis il choisit au dernier moment de prolonger un peu son aventure américaine, échappant ainsi de peu à la tragédie. Il rentre finalement en France en 1949 et après ses derniers six jours de Paris il met un terme à sa carrière.

• Vel d'Hiv: les virages surnommés les falaises tant les pentes étaient prononcées • Les tribunes du Vélodrome

On trouve finalement peu trace d'André Pousse dans les palmarès cyclistes notons toutefois qu'il a terminé associé à Delvoye 9ème des 6 jours de Paris en 46, 8ème en 48 associé cette fois à Dousset. Il termina également 3ème à Buffalo en 1948 avec Grauss et 7ème toujours avec Grauss Francis des 6 jours de New York en mars 1949.

Son principal fait d'arme est d'être détenteur du record du tour du Vel d'Hiv ce qui fit dire à son ami Jean Gabin cette formidable réplique " T'as bien fait de faire détruire le Vel d'Hiv Dédé, comme ça t'es sûr qu'on te piquera pas ton record du Tour "....

A 30 ans André Pousse raccroche son vélo, mais il ne va pas rester sans rien faire, son carnet d'adresses est bien rempli et il va s'en servir. Il dit avoir à l'époque penser se faire gigolo ou joueur de cartes professionnel mais il est trop attiré par le monde du spectacle pour rester dans l'ombre lui qui s'est si bien habitué à la lumière. Il s'associe d'abord avec l'impresario d'Edith Piaf (avec qui il aura un peu plus tard une relation) et devient l'agent de célébrités comme Joséphine Baker, Henri Salvador, Pétula Clark, Eddie Constantine, Johnny Hallyday, Mouloudji et Philippe Clay…

• André Pousse, du cyclisme au cinéma, • André Pousse avec Elvis Presley et Nancy Holloway

Un peu plus tard il devient le directeur artistique du Moulin Rouge. Il assumera cette fonction pendant 12 ans et réalisera même occasionnellement la programmation de nombreux établissements : l'Olympia, le cirque Médrano, Bobino, le casino du Liban, le Gaumont, le New Frontier à Las Vegas, le Parque Florida de Madrid. Cette vie fait de lui un des piliers des nuits parisiennes et il ouvre bientôt sa propre boîte à Pigalle : la Locomotive, une belle affaire qu'il anime avec brio, dans laquelle se produiront toutes les vedettes de l'époque : Polnareff, Eddy Mitchel, Claude Nougaro, Tom Jones…

Il a de nombreux amis dans le milieu du cinéma mais ce n'est qu'à 44 ans qu'il va jouer son premier rôle dans " D'où viens tu Johnny ? ". au coté de Johnny Hallyday. 3 ans plus tard, Michel Audiard, ami avec lequel il partage depuis longtemps la passion du cyclisme, le goût pour la bonne bouffe et le sens des formules à l'emporte pièce, lui propose un rôle de truand aux cotés de Lino Ventura, Michel Constantin, Mireille Darc et Jean Lefèvre dans ce qui reste un des meilleurs films de Georges Lautner : " Ne nous fâchons pas ".

André Pousse : Cycliste, acteur et impresario français, né à Paris le 20 octobre 1919 - décédé à Gassin le 09 septembre 2005 ... Un Homme à la vie hors du commun

Sa gouaille naturelle, son aisance face à la caméra vont très vite en faire un second rôle très prisé du cinéma français et dès lors il enchaînera, jusqu'à sa mort, les rôles de truand, de dur à cuire, de mec à qui ont ne la fait pas…Un peu comme Gabin ou Ventura, ce n'est pas lui qui se glisse dans la peau du personnage mais plutôt le personnage qui se fait une petite place à l'intérieur de sa grande carcasse inimitable.

A propos de sa carrière cinématographique il déclarait " J'ai bien pensé faire dans l'escroquerie mais avec ma gueule, c'était pas possible ".

André Pousse n'a jamais été un très grand champion cycliste mais il a fait son métier avec envie, avec passion comme tout ce qu'il a entreprit dans sa vie, et en cela sa carrière et sa reconversion ou plutôt ses reconversions sont exemplaires. Sous sa carapace de dur à cuire, André Pousse était quelqu'un de profondément humain qui a toujours eu un profond respect pour ses adversaires et le public et pour 3cela il mérite également un grand coup de chapeau..

Alors Chapeau Monsieur André Pousse


Michel Audiard, dirait : voilà un mec qui en a... à raconter ...

 

Pour tous ceux qui souhaite connaître le personnage (que du bonheur !)

 

Auteur : André Pousse
Editeur : Pre Aux Clercs
Date de parution : 04/2005
Nombre de pages : 250 pages

 

 

 

 

signature

 
 
     

© lepetitbraquet.fr