Le Petit Braquet
 
- Chronique n° 38 - Fred ROMPELBERG
 
 

Fred Rompelberg

Coup de chapeau à

 

Fred Rompelberg

 

La passion pour la vitesse est présente chez de nombreux cyclistes qui apprécient de se lancer sans retenue dans de longues descentes où les paysages défilent bon train. Cette fascination parfois ne se satisfait plus des pointes que l’on peut atteindre à la seule force de ses mollets et nombreux sont ceux qui ont cherché dans les sports mécaniques, cette griserie qu’ils ne trouvaient plus sur leur bicyclette.
D’autres comme José Meiffret ont choisit de rester les pieds campés sur leurs pédales et ils ont trouvé une autre voie en utilisant l’aspiration d’engins motorisés pour atteindre des vitesses ahurissantes. C’est encore le parcours d’un fou pédalant que nous allons évoquer lors de cette chronique..

 

Fred Rompelberg est né le 30 octobre 1945 à Maastricht aux Pays Bas. Comme beaucoup de jeunes néerlandais, il se découvre très vite une passion pour le cyclisme et il rêve de suivre la trajectoire de ses ainés qui comme Peter Post, Michel Stolker, Jo de Roo brillent sur la scène internationale au début des années 60. D’un bon gabarit, 1m 83 pour 76 kg Fred Rompelberg est avant tout un rouleur longiligne. Il décroche un premier contrat pro au sein de la modeste équipe Belge Siriki – Munck en 1971 avant de rejoindre la Ti Raleigh de Pieter Post en 74. Cette équipe comptait dans ses rangs des coureurs d’immenses talents comme Dietrich Thurau, Roy Schuiten, René Pijnen Jan Raas ou l’anglais Sid Barras. Coureur passionné, mais aux moyens physiques trop limités pour faire de lui, autre chose qu’un grégari (larbin), un porteur de bidon pour des leaders exigeants, Fred Rompelberg participe également à des épreuves sur piste de demi fond où il peut se faire plaisir et courir pour la gagne. En 75, d’abord en contrat avec la Ti Raleigh, il semble avoir monté sa propre équipe dès la fin du mois de mars sous le nom « Rompeberg Bonfrere » récupérant avec lui une douzaine d’autres coursiers. Des sans grade ou des coureurs dans le creux de la vague comme Gérard Harings, vainqueur d’étapes sur la Vuelta en 71 et en 72 et qui hélas pour lui ne réussit jamais à relancer une carrière très tôt sur le déclin.

Comment et avec quels moyens financiers Fred Rompelberg réussit il à monter cette équipe nous ne le savons pas mais tout au long de sa carrière il saura toujours faire preuve d’un excellent sens des affaires. Il a vingt neuf ans, trois victoires professionnelles à son actif mais il a le sentiment de pouvoir progresser encore et surtout il souhaite continuer à vivre de cette passion dont il a fait son métier. Vice champion des Pays Bas de demi-fond, cette année là, il réussit à rebondir et à trouver pour les années suivantes un guidon dans de bonnes équipes mieux structurées. Equipier en 76 et 77 au sein de l’équipe Frisol Gazelle où il côtoie notamment le routier pistard australien Donald Allan, Fédor Den Hartog, Cees Priem et Luis Ocana (en 77), il remporte deux courses sur route en 76 ainsi qu’en 77. Comme la Ti Raleigh, l’équipe Frisol est composée de coureurs qui pour la plupart sont à l’aise aussi bien sur la route et sur la piste. Comme eux, Fred Rompelberg continue à alterner les épreuves mais il s’intéresse de plus en plus aux courses derrière derny et aux records de vitesse.

En 1976, il touche pour la première fois son but en devenant recordman du monde de l’heure derrière derny sur la piste olympique de Rome, réussissant 79,613 km dans l’heure. Dans la foulée, il s’octroie également le record des 100 km qu’il parcourt en 1 h 15 minutes et 24 secondes. L’année suivante il décroche enfin le titre national de demi-fond et dès lors sa carrière va s’orienter uniquement vers la piste et les records de vitesse sur piste.

En 1977 à Antwerp, il bat le record de l’heure derrière moto sur piste couverte (72,021 km) avant de l’améliorer sensiblement à Montréal, au Canada en 1982 (78,953 km).

Fred Rompelberg a le sens des affaires et il sait fort bien se vendre. A partir de 1981 et en dehors de 1982 et 1985 où il intégra de modestes équipes néerlandaises Amko Sport et Nikon - Van Schilt (où il côtoiera à peine trois mois un certain Freddy Maertens en bout de course), il se débrouille par lui-même pour conserver son statut de coureur professionnel en allant décrocher des sponsors nécessaires à la préparation et à la réalisation de ses exploits. Il conservera d’ailleurs le statut de coureur professionnel jusqu’en 2008 ce qui lui vaut un autre record, de longévité celui-ci.

En 1986 à Moscou sur le vélodrome olympique, piste réputée rapide et favorable aux records il bat à deux reprises le record de l’heure derrière moto, réussissant 81,339 km puis 86,449 km dans l’heure, record oublié mais qui tient toujours aujourd’hui. Dans la foulée et toujours sur la piste de Moscou, Fred améliora également à deux reprises son record des 100 kilomètres derrière moto portant le record du monde à 1 h 10 minutes et 363 centièmes.
Dès lors Fred Rompelberg n’a plus qu’un seul record en tête le record absolu de vitesse longtemps détenu par José Meiffret (204,778 km/h 19-07-1962, voir chronique consacrée à José Meiffret) et qui depuis quelques années passionne les américains. Le 25 août 73 Alan Abott sur les immensités salées de Bonneville aux USA avait enfin détroné le petit provençal en réussissant 223,126 km/heure. Ce record avait tenu 12 ans avant qu’un autre américain, John Howard, atteigne la vitesse fabuleuse de 245,077 km/heure, le 20-07-1985. S’attaquer à un tel record demande une énorme préparation. Il faut sortir de la piste, préparer un vélo spécifique, trouver une route adaptée, un engin suffisamment puissant et sécurisant pour bénéficier de l’aspiration. Enfin et surtout pour s’attaquer au record il faut une très forte dose de folie car il faut passer de 86 kilomètres heure sur une piste, lieu relativement sécurisée à plus de 245 kilomètres heure sur une route où le moindre écart peut être fatal.

Durant le mois d’octobre 1988, Fred Rompelberg s’installa à Bonneville USA pour tenter d’inscrire son nom sur les tablettes du plus fou des records. Hélas malgré une excellente préparation il ne réussit jamais à se hisser à la hauteur de John Howard où même de Alan Abott, atteignant successivement derrière le dragster qui lui sert d’entrainement 202,292 km/h, 208,105 km/h, 210,525 km/h, 212,377km/h. Il sent qu’il peut y arriver et lors d’une nouvelle tentative c’est la chute terrible. Une chute en pleine vitesse, probablement à plus de 200 kilomètres heure dont on le relève vivant mais avec 24 fractures.


Fred Rompelberg s’entraine dans la rue sur des rouleaux pour faire sa publicité avant de
s’attaquer au record de l’heure derrière moto en 1986 à Moscou.
A bien regarder le document il s’agit plus probablement d’un photo montage
destiné à ses sponsors aux Pays Bas.

A 43 ans, Fred aurait pu en rester là et se contenter de la troisième meilleure performance mondiale de tous les temps, mais était ce possible lorsque l’on a mordu au venin de ce record. Il lui faudra du temps, beaucoup de temps pour retrouver l’intégrité de ses moyens et mettre en place une nouvelle tentative et ce n’est qu’en 1995 qu’il retourna à Bonneville pour tenter une nouvelle fois d’abattre ce diabolique record. Pour cette tentative Fred utilisa un Dragster équipé d’une paroi verticale lui fournissant un abri optimum. Il s’est assuré les services d’un pilote de renom dans le milieu du dragster, Jeff Strasburg qui a déjà atteint la vitesse de 410 kilomètres / heure avec son engin doté d’un V8 chevrolet.

Le vélo utilisé par Fred pour sa tentative mérite un examen attentif car il est fondamentalement différent des engins dotés d’un énorme plateau utilisés par José Meiffret et d’une fourche à la courbe inversée. D’un poids de 19,5 kg il ressemble d’avantage à un VTT qu’à un vélo de route.

Ce vélo a la particularité de posséder une roue pleine à l’arrière dotée d’une double transmission avec un développement de 70 x 13 soit 34,70 mètres par coup de pédale. La double transmission le rend très allongé ce qui a pour effet de diminuer la hauteur du centre de gravité et d’améliorer la pénétration dans l’air. La fourche droite, très allongée, s’apparente à une fourche de VTT de descente alors que les roues en aluminium d’un diamètre de 18 sont équipées de pneus de moto de type slick. Un seul frein de modèle cantilever est installé sur la roue arrière.

Le trois octobre 1995, quelques jours avant ses 50 ans, Fred Rompelberg s’est élancé pour une tentative préparée avec minutie depuis de nombreux mois. Fred va réussir ce jour là une performance exceptionnelle que personne depuis n’a tenté de battre : 268,831 km/heure soit le kilomètre en 13,39 secondes. A l’issue de cet exploit que, comme José Meiffret, on peut sans forfanterie appeler un rendez vous avec la mort, Fred a fait preuve d’une grande sagesse. Il n’a pas tenté de remonter sur le vélo pour améliorer la performance mais il s’est contenté de posé pour la postérité à coté de son engin futuriste.

Aujourd’hui et depuis maintenant plus de quinze ans Fred Rompelberg est installé aux Baléares avec sa femme et ses deux enfants. Il a monté une affaire prospère de tourisme qui propose des séjours vélos clés en main : the Fred Rompelberg Bicycle-Team. Comme beaucoup de passionnés, Fred continue de rouler, il encadre avec sa femme, les groupes de touristes cyclistes qu’il reçoit et leur fait partager son amour intact pour la petite reine.

Au-delà de la performance athlétique que constitue le record absolu de vitesse sur un vélo, c’est avant tout le courage et la passion dévorante de Fred Rompelberg que nous avons souhaité saluer ici. Fred Rompelberg n’a peut être jamais eu les moyens de briller dans les grands tours ou dans les classiques qui constituent dans l’imagerie populaire la noblesse du cyclisme pourtant il a su se faire plaisir dans des épreuves et des challenges qui correspondaient mieux à son talent. Il a ainsi construit sa carrière et sa vie qui finalement se confondent à la mesure de ses rêves et de ses envies.

Vous trouverez de nombreuses informations et photos de Fred Rompelberg sur son site qui présente à la fois sa carrière et son agence de voyage : http://www.fredrompelberg.com

 

Le Petit Braquet : juillet 11, 2009


Voici la réponse que Fred nous a faite lorsque nous lui avons présenté cet page lui rendant hommage :

Hallo Daniel Ballerand,

Merci pour l’article, c’est tres bien.

Quand tu as des questions tu peux me contacter.

Salutasions et tous bien pour toi.

Sorry pour mon mauvaix francais.
Fred Rompelberg 268 km!

Regarder a mon website
www.fredrompelberg.com

Malgré un français approximatif que nous comprenons et pardonnons totalement, nous trouvons sa réponse particulièrement sympathique.

 

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